Karim à notre insu est le documentaire réalisé par Françoise Schöeller autour de l’inclusion de Karim, autiste dans un collectif d’artistes et d’amis , lors du tournage d’un long métrage en Normandie…
C’est avant tout aussi une merveilleuse histoire, de belles rencontres, un enchaînement d’événements qui ont mené à changer la vie de Karim et donc la mienne par ricochet….
Karim a 34 ans. Il est autiste et déficient mental. Après 17 ans de centres, il a décidé de vivre à la maison. Il a fallu alors lui organiser une vie qui corresponde à ses attentes.
Autour d’un livre
Il y a eu en 2009, la rencontre avec la photographie qui a permis un dialogue entre Karim et moi. Puis les expositions, années après années qui ont donné du sens à sa vie..
Il y a eu, en 2017, lors d’une exposition de Karim, la rencontre avec Angelita Martins, éditrice aux éditions “Un Bout de chemin”. Elle m’a encouragé à écrire l’histoire de Karim et devant son insistance, je me suis jetée à l’eau… Cela a donné un livre à deux écritures, celle de Karim à travers ses photos, et mes mots qui racontent notre histoire dans “Moi Karim je suis photographe“. Il est paru en mai 2019.
Il y a eu la rencontre, fin 2019 avec Françoise Schöeller, réalisatrice de documentaires. Touchée par notre livre, elle est venue me proposer une aventure inédite : faire rencontrer à Karim un groupe d’amis pour vivre un temps en immersion dans une autre réalité… en tourner un documentaire… L’idée m’a séduite. Avoir des amis est un souhait profond de Karim depuis tellement d’années…
Rencontre et confinement
Mais il était important pour moi que Karim rencontre déjà une première personne. Il était impensable de le plonger dans un groupe ne connaissant personne. C’est ainsi qu’il a rencontré Arnaud. Ils ont commencé à sortir ensemble…. Pendant ce temps, Françoise écrivait son documentaire pour le tourner en 2021…
En mars avril 2020. Il y a eu le confinement. Pour Karim cela a été dramatique… Tous ses repères ont été chamboulés. Les routines que j’avais patiemment construites pour lui donner un équilibre et un semblant de vie normale dans le quartier ont été cassées.. Ne plus faire de courses, ne plus sortir, ne plus exposer de photos… Tout cela a fait monter les angoisses et l’anxiété à un niveau difficilement gérable.
A la sortie du confinement, Arnaud a eu l’idée d’embarquer Karim dans un tournage qu’il devait effectuer avec ses amis au cours de l’été 2020… Paul, le réalisateur, a été d’accord, et tous les deux sont venus me proposer d’emmener Karim avec eux en Normandie. “On part dans deux jours”…
Vers la Normandie
Pour moi, c’était le va tout… Karim allait si mal. Depuis le déconfinement, il n’arrivait plus à trouver ses marques, la violence devenait quotidienne et un changement radical pourrait être salvateur. D’autant qu’entre lui et Arnaud, ça matchait fort….
Karim est parti sans savoir vraiment où il allait. Il est très dans le moment présent et l’idée d’aller avec Arnaud voir Paul qu’il avait rencontrer deux jours plus tôt lui plaisait… Il n’avait aucune conscience de l’éloignement, de la distance…. La Normandie pour lui ne voulait rien dire du tout.
Françoise a dû d’urgence changer ses projets. Il devenait nécessaire de tourner rapidement des images de la rencontre et de l’aventure… Trouver du matériel pour filmer ainsi qu’une personne pour la prise d’image et de son…
7 semaines à la Garande
Il était bien entendu que si cela se passait mal, j’allais chercher Karim pour le ramener à la maison…. Ce qui n’est pas arrivé… Pour Karim, se retrouver à la Garande, avec un groupe de personnes de son âge, avec un projet avec des voitures, des camionettes dans lesquelles il pouvait monter pour accompagner le conducteur…
Il a eu droit à sa caravane…. Et pour 7 semaines, il a été un adulte parmi des adultes bienveillants. Dans le film La Mauvaisinière de Paul Gaillard, il est devenu inspecteur Gilbert escorté par le gendarme Jeanjean joué par Arnaud. Il a appris à vivre dans un collectif, à partager
Et après ?
Les images filmées, Françoise Schöeller s’est attaqué à la réécriture de son documentaire….Il restait encore beaucoup de séquences à tourner. En juillet 2021, nous sommes tous à la Garande pour la projection du film La Mauvaisinière et pour tourner les dernières séquences du documentaire.
Pendant l’année, Karim est retourné à plusieurs reprises chez ses amis. Il a été à Marseille, à Lausanne, est retourné à la Garande…. Ses amis lui téléphonent souvent et il continue à sortir régulièrement avec Arnaud. L’histoire continue au-delà du documentaire…
Ces 7 semaines ont cassé le cycle de violences engendrées par le confinement et le déconfinement. Karim fait des progrès continuels, en langage, en comportement, en empathie aussi… Sa vie a été transformée, la mienne aussi…. Elle devient plus légère.
Et quel plaisir de voir le regard de Karim s’illuminer, devenir plus serein….