Moi, Karim, je suis photographe

Moi Karim je suis photographe, Rita et Karim TATAI, Editions Un bout de chemin

Moi Karim, je suis photographe, photos Karim TATAI, texte, Rita TATAÏ. Et voilà…. après beaucoup d’hésitations, de réflexion, de comment le faire, de conseils, de soutiens…. Il est enfin là, notre livre à Karim et à moi… et on est heureux, Karim à sa manière et moi à la mienne…

Avec un grand merci à Joseph Schovanec pour la préface.

Moi Karim je suis photographe, Rita et Karim TATAÏ

CP Faon Photography

Pour moi, ce livre est important, car cela fait maintenant dix ans que Karim a décidé de vivre à la maison, qu’il nous a forcé à envisager la vie en inclusion et dix ans après, c’est un peu le moment de faire le bilan de ce cheminement pas toujours rose.

Karim est autiste, déficient mental, ne sais ni lire, ni écrire, ni compter…. Il n’a été diagnostiqué qu’à 23 ans, ce qui fait qu’avant, il avait juste l’étiquette de déficient et qu’il a suivi ainsi le parcours classique d’hôpital de jour en IME, IMpro,.. Et puis, comme il ne pouvait pas travailler en milieu protégé et encore moins en milieu ordinaire, il a été orienté en groupe occupationnel pour adulte… Un parcours tout tracé… Un rangement de la société tout tracé aussi que Karim a refusé avec toute la force de son désespoir et avec ses moyens de communication propres.

Institution ou inclusion ?

Quelque part, l’institution, c’était reposant, même si au fond de moi il y avait ce fond de culpabilité qui me disait que sa vie aurait pu être autrement. Une fois Karim parti en internat, cela faisait 4 jours pleins par semaine en dehors des vacances à ne pas trop y penser, à se laisser glisser avec volupté dans un semblant de normalité, une vie de famille un peu hors du chaos . La dernière année, en ‘externat, cela a été moins drôle. Chaque matin il a fallut se battre pour qu’il aille au centre, parfois pendant plusieurs heures, pour recommencer le lendemain matin et tous les autres à venir.

Karim TATAI Patrick Lambin 2019

CP Patrick Lambin

Prendre cette décision de l’inclusion pour répondre à la demande désespérée de Karim, c’était aussi faire un grand saut dans l’inconnu, sans retour en arrière possible. Par nature, l’institution n’aime pas la vide. La place libre est vite redistribuée à la tête de liste des longues files d’attente. Il faut parfois plusieurs années pour obtenir une place, alors, vous pensez, celle qu’il venait de quitter n’existait déjà plus. Il ne reste plus qu’à avancer, un pas après l’autre vers un quotidien que l’on espère meilleur, vers un eldorado à construire, jour après jour, bataille après bataille, et comme je le dis souvent à Karim, vers l’infini et au-delà (toy story, il est fana de DVD)

Comment organiser le temps à venir ?

Et là, il y a 5, 10, 20, 30 ans, peut-être plus, peut-être moins devant vous à remplir.  1825, 3650, 7300, 10950 jours, peut-être plus, peut-être moins….  Si l’on enlève les 8 heures quotidiennes de sommeil de Karim, 29200, 58400, 116 800, 175 200 heures qui vous donnent le vertige…Ne pas regarder la montagne…. Voir juste le premier pas devant soit et chaque soir marquer d’une croix le jour écoulé en en cherchant les points positifs….

Heureusement, en même temps, Karim a rencontré la photographie qui donne un sens à sa vie. Son appareil photo lui permet de créer un lien entre lui et le monde, entre lui et les autres. La photographie lui permet de grandir.

Des progrès, oui mais…

Karim TATAI Strasbourg CP Patrick LAMBIN 2018

CP Patrick LAMBIN 2018

Karim peut faire des progrès vers l’autonomie, mais il faut lui répéter les mêmes consignes pendant des jours, des mois, des années…. Et là, on se heurte à une évidence….Même s’il a gardé des côtés enfantins, Karim est un adulte ou du moins un grand adolescent…. Alors trouvez moi un adolescent acceptant sans rechigner que sa mère lui répète tous les jours pendant des mois les consignes pour se laver, s’habiller, ranger, mettre le linge au sale, débarrasser…… Et là, croyez-moi, ce n’est pas qu’une histoire de handicap ! vivre ensemble, ce n’est pas drôle tous les jours, loin de là. Chacun de nous deux défendons notre territoire, qu’il soit physique, émotionnel ou symbolique..

Dans le livre, je fais un peu le bilan de ces dix dernières années, j’y ai mis nos petites victoires, nos avancées, mes échecs, mes renoncements aussi…. Et l’espoir qui continue d’être là…. D’un avenir meilleur, bien que nous soyons lui et moi des fétus de paille à la merci du moindre coup de vent…. Je ne vous parle pas des jours de tempête….

Même si c’est dur, l’inclusion, j’y crois de plus en plus… Ce ne sont pas juste des mots, mais cela doit être un changement de toute la société. Cela a été fait dans d’autres pays et CA MARCHE. Sommes-nous moins doués en France ? Sûrement plus individualistes. Il y a ceux qui sont en bonne santé et sans problèmes et ceux qui ont tiré le mauvais numéro à la loterie de la vie, et tant pis pour eux. L’inclusion, cela s’impulse. Cela prend des années, cela commence dans les toutes petites classes et cela remonte doucement ensuite pour aboutir à une société plus aidante, plus accueillante.

Bien sûr, nous sommes réticents à l’école pour tous, surtout ceux qui sont du bon côté de la barrière, mais là où cela se pratique, on se rend compte que la différence profite à tout le monde, même aux bons et aux meilleurs.

Moi Karim je suis photographe, Rita et Karim TATAI, Editions Un bout de cheminA propos du livre

Si les photos sont de Karim et les textes de moi, un livre, c’est une plus grande aventure encore pour le mettre en forme et le transformer en objet concret…. Il y a eu d’abord la rencontre magique avec mon éditrice… Nous nous sommes retrouvées 12 ans après nous être croisées sur les bancs de la fac…. Elle n’était pas alors éditrice et moi les bancs de la fac étaient ma bulle de respiration. Puis le travail avec toute l’équipe, la chasse aux fautes, aux répétitions, la précision du sens des mots, de leur place, la mise en page, la création de l’objet livre… la gestation d’un tout…Et l’accouchement, pas forcément sans douleur….

Moi Karim je suis photographe, Rita et Karim TATAI, Editions Un bout de cheminAlors voilà, si vous êtes curieux, n’hésitez pas à acheter le livre. Déjà, il permettra à mon éditrice d’éditer son prochain livre, car c’est une petite maison d’édition associative qui finance le prochain livre avec les ventes du précédent et j’ai très envie qu’elle continue à éditer d’autres histoires et à remplir son catalogue…  Catalogue Editions Un bout de chemin

Ensuite et surtout, j’espère qu’il vous aura donner à vous aussi l’envie d’une société plus inclusive…. Cela commence près de chez soi, avec sa famille, ses amis, ses voisins….Et cela profite à tous.

Pour acheter le livre (disponible à partir du 18 mai 2019)

 

Le livre sera présenté à la librairie Kléber à Strasbourg, le 18 mai à 17 h 30

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.