le travail des mères dans l’inclusion de leur enfant autiste

présentation du documentaire Karim à notre insu

Dans l’article “les mères : expertes de l’autisme…” je parlais d’une étude qualitative menée au Québec par Catherine Des Rivières-Pigeon, qui démontrait que les mères d’enfants autistes, ayant acquis par la force des choses une expertise pointue de leur enfant, se retrouvaient souvent à former tout le monde autour d’elles, y compris les intervenants. Les enfants ont grandi, sont devenus jeunes adultes. Une nouvelle analyse aborde le thème de l’inclusion et du travail des mères pour que leur jeune soit davantage inclus dans la société.

L’inclusion

 

inclusion-integration-segregation-exclusion-shemaBien que l’inclusion ne soit pas un concept clairement défini (Anderson et coll., 2014), il désigne, entre autres, la possibilité de participer pleinement à la société, d’accéder à ses droits, ou de développer un sentiment d’appartenance à un groupe sans y subir de discrimination (Woodgate et coll., 2020).

Une analyse d’entretiens avec 52 mères de jeunes autistes donne à voir que le travail de l’inclusion de ces mère va au-delà de ce qui avait été documenté précédemment. Je suis forcément sensible à cette analyse puisque maintenant depuis 14 ans, j’essaye d’apporter à mon fils Karim, TSA avec DI (autiste avec déficience mentale) la possibilité d’accéder à l’inclusion qu’il souhaite. Ca c’est les grands mots qu’il ne connaît pas. Lui, il veut juste avoir des amis, sortir avec eux, avoir un travail (même s’il n’en est pas capable), une copine (là aussi c’est difficile), se sentir comme les autres…

Autisme-catherine-des-Riviere-pigeon

L’auteure et ses collègues chercheurs s’intéressent aux expériences quotidiennes et aux perspectives des personnes autistes et de leurs familles.
Leurs travaux visent à développer des interventions et des recherches qui mettent en valeur l’expertise des personnes concernées, et qui peuvent mener à de nouvelles façons de favoriser leur inclusion au sein de la société

Cette étude a permis de mettre en lumière l’importance du travail réalisé par les mères pour favoriser l’inclusion sociale en autisme. “Reconnaitre ce travail et soutenir les mères qui le réalisent est donc d’une importance capitale pour favoriser une société inclusive. Les mères de jeunes autistes sont des ambassadrices de l’inclusion, Il faut continuer de sensibiliser l’entourage à la richesse de la neurodiversité ! » 

L’analyse québecoise a mis en évidence différentes formes d’action effectuées par ces mères.

 

La famille

 

Tout d’abord un travail d’apprentissage de la mère pour elle-même. Aller chercher sur internet. Lire des livres, des articles. Voir des documentaires, des reportages. Echanger avec d’autres mères sur les réseaux sociaux. Assister à des conférences. Il s’agit alors de mieux connaître l’autisme pour mieux répondre aux besoins de leur enfant. Certaines mères même suivent des formations (ABA, PECS…) ou reprennent des études. Cette acquisition de compétences permet aussi d’orienter et de conseiller d’autres mamans pour affronter les embûches de la vie quotidienne.

Karim TATAI (au milieu) et sa famille

Karim, sa maman, son frère, sa soeur et son neveu

Transmettre, tout d’abord dans la famille proche leurs connaissances sur l’autisme et la différence. Sensibiliser la fratrie à cette différence mais aussi la faire participer activement tout en étant à l’écoute des difficultés personnelles de chaque frère et sœur. .

Expliquer les spécificités de leur enfant à la famille élargie, trouver des ponts, des solutions pour des activités partagées. Faire accepter certaines spécificités qui ne sont pas le résultat d’une mauvaise éducation, comme par exemple la rigidité alimentaire durant les repas de famille. Cela permet aussi d’obtenir un soutien, pour faire garder leur enfant, quelques instants ou plus… Il est important de sensibiliser le cercle familial, d’expliquer encore et encore. On a souvent du mal à devoir justifier le comportement de notre enfant, nos réactions, mais je pense qu’on ne communique pas assez avec sa propre famille. On pense souvent que parce qu’ils sont proches, il comprennent forcément.

J’ai été étonnée de la réaction de ma propre famille lors de la parution de mon livre “Moi Karim je suis photographe”… Mes sœurs sont venues me voir en me disant “on ne pensait pas que c’était à comme ça et à ce point là”… Cela a été le début d’une relation entre elles et Karim. Il a fallut attendre 35 ans… N’attendez pas autant de temps que moi…

 

Le voisinage, les professionnels

 

la première exposition de photos de Karim TATAI... La joie d'exister aux yeux des autres

la première exposition de photos de Karim… La joie d’exister aux yeux des autres

 

 Afin de s’assurer de l’inclusion de leurs adolescent autiste au sein de la société, plusieurs mères devaient réaliser un travail auprès de différents membres de la communauté. Ecrire et distribuer une lettre dans son quartier pour sensibiliser son voisinage à l’autisme, afin que le jeune y soit accepté. discuter avec les voisins, expliquer l’autisme… Cela peut apaiser les relations et avec le temps, on peut même y trouver quelques aides. 

Lorsque j’ai commencé à exposer les photos de Karim, c’était dans le quartier, pour changer le regard du voisinage sur lui, et pouvoir parler de l’autisme… Avec le temps, cela a marché, Karim est complètement intégré dans son quartier et il arrive même qu’on vienne me demander de ses nouvelles “parce que cela fait un peu de temps qu’on ne le voit plus”… Les voisins s’aperçoivent donc de son absence !

Une grande partie des mères interrogées militent pour du changement quant à la représentation de l’autisme, notamment au sein du système éducatif. Création d’une page Facebook, d’un compte youtube et même Tiktok, pétitions, création d’association, petits événements…

Elles interviennent aussi auprès des professionnels tant externes que scolaires. L’autisme est encore trop peu connu. (enquête au Québec, que dire de la France) Quant aux professionnels externes au milieux scolaires, comme les professionnels de la santé, des mères devaient intervenir auprès d’eux pour qu’ils cessent d’infantiliser leur jeune, notamment à la suite de l’annonce du diagnostic. Certaines mères se battent pour devenir l’AESH de leur enfant. D’autre s’investissent énormément dans la relation avec les enseignants quand cela est possible, mais deviennent de redoutables militantes quand leur enfant est mal accueilli.

stand Luigi Créations au salon de l'autisme RIAU 2018 à Ajaccio

Louis Larochelle et sa maman Françoise Aysac sur lez stand Luigi Créations au salon de l’autisme RIAU 2018 à Ajaccio

Des mères réalisent aussi un travail exemplaire pour que leurs jeunes puissent avoir un emploi. Ce travail consiste parfois à contacter et à sensibiliser des employeurs aux forces et aux défis de leurs jeunes, convaincre l’employeur de laisser une chance. Informer aussi sur l’autisme en général et sur les particularités de leur enfant.

Rien n’est figé, tout est à créer, à composer… Même si le chemin est long et difficile et que souvent on a envie de baisser les bras.

Et désolée pour les papas qui se bougent. L’enquête portait sur les mères uniquement….

Féderation Québecquoise de l’autisme Revue l’Express N° 16 Printemps 2023

 

 Cette analyse a été réalisée dans le cadre d’une recherche de plus grande ampleur portant sur les obstacles qui nuisent à l’inclusion sociale de jeunes adultes autistes (ÉRISA, 2020).
RÉFÉRENCES

Anderson, J., C. Boyle et J. Deppeler (2014). « The Ecology of Inclusive
Education ». Dans H. Zhang, P.W.K. Chan, et C. Boyle (Éds.), Equality in Education, SensePublishers, p. 23 34. En ligne: doi.org/10.1007/978-94-
6209-692-9_3
.Boucher, C. et C. des Rivières-Pigeon (2020).

  • « Les défis de l’engagement parental en milieu scolaire chez les parents d’enfants autistes : une étudequalitative », Revue québécoise de psychologie, vol. 41, no 2, p. 1 à 25.
    Courcy, des Rivières-Pigeon et Modak, (2016).
  • « Appréhender l’invisible: réflexions sur un dispositif méthodologique élaboré pour l’analyse du travail domestique », Recherches féministes, vol. 29, no 1, p. 51 à 69. Équipe de recherche pour l’inclusion sociale en autisme (ÉRISA) (2020).
  • Travailler ensemble pour favoriser l’inclusion sociale des adolescent(e)s etjeunes adultes autistes.Malboeuf, V. (2021).
  • Comprendre les rapports aux professionnelles des mères d’adolescent.e.s autistes [Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal]. archipel.uqam.ca/15387/Woodgate, R. L., Gonzalez, M., Demczuk, L., Snow, W. M., Barriage, S.et Kirk, S. (2020).
  • How do peers promote social inclusion of children withdisabilities? A mixed-methods systematic review. Disability and rehabilitation, vol. 42, no 18, p. 2553–2579.

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