Vous l’avez peut-être croisé à des événements autisme ou sur des marché de créateurs… Vous vous êtes peut-être arrêté devant son stand d’articles de maroquinerie et de dessins. Vous avez certainement vu passer quelques posts sur Facebook… une photo de ses dernières créations ou de ses derniers dessins… J’aime les belles histoires et j’ai envie de vous raconter celle de Louis, Lilas et de sa maman, Françoise…
Louis est autiste. Il a 23 ans. Il est maroquinier et micro-entrepreneur depuis avril 2019. L’aboutissement d’un long chemin et le début d’une belle aventure.
Le parcours avant la maroquinerie
La famille habite un village de montagne et le soir, une fois les enfants couchés, Françoise étudie l’approche Teacch et entend parler de l’ABA, largement adopté dans les pays anglo-saxons, mais opte par défaut pour l’approche SonRise. En effet, la stimulation par le jeu, avec une fratrie de quatre enfants jeunes et sans professionnels dans les parages, lui semble alors la seule solution plausible. SonRise et les longues journées passées pendant trois ans dans la salle de jeu dédiée ont sauvé la famille en permettant d’instaurer au calme et sans interférences une relation solide (aujourd’hui elle privilégierait sans la moindre hésitation l’ABA plutôt que cette approche par le jeu, laquelle impose un isolement sans guidance ni repères sérieux, avec un vrai risque de perte de temps pendant des années cruciales). L’apport d’un traitement biomédical a enfin permis d’obtenir la concentration nécessaire pour débuter les apprentissages. Louis a été ensuite scolarisé du CP jusqu’en 5e à temps partiel, d’abord avec sa mère comme AVS pendant trois ans, puis avec des AVS de l’Education nationale jusqu’à ses 15 ans.
Parallèlement à cette scolarisation il a pu bénéficier pendant cinq ans d’un suivi ABA très appréciable grâce au Tremplin de Grenoble.
A 15 ans Louis n’avait pas un niveau suffisant pour envisager une formation de type CAP, et l’orientation en milieu spécialisé proposée par la MDA était aux antipodes de ce qu’il avait vécu jusque-là. Françoise l’a donc refusée. Elle avait monté une association et portait le projet de création du café-restaurant Atypik de Grenoble en espérant que Louis y trouve a minima, ni plus ni moins que les autres jeunes de l’association, une activité régulière un peu soutenue, le temps de se retourner, de voir, de réfléchir à un avenir possible
Les débuts dans la maroquinerie
Les périodes dessin, puzzles, Lego, Mécano, puis coloriage, activités mutuellement exclusives, se sont enchaînées. Avec à l’adolescence une nouvelle période, celle du croquis de nus… En somme des activités calmes, solitaires, autonomes, ni bruyantes ni salissantes, nécessitant de la concentration, une appétence pour la couleur, les modèles, les formes, les fournitures d’art… La piste d’une activité d’artisanat s’est alors naturellement imposée.
Louis a alors débuté, avec sa mère comme médiatrice, un cycle de cours chez un relieur d’art. Il appréciait l’atelier et les outils, mais la reliure est une activité délicate, et exigeante quand il y va d’appliquer de la colle, de maroufler sans tarder, de respecter des temps de presse, de séchage, etc. A l’occasion d’un projet de carnet relié en cuir, Françoise a réalisé que Louis semblait apprécier le cuir et son toucher.
Elle s’est alors mise en quête en juin 2016 d’un atelier de maroquinerie qui puisse les former, tous deux, puisqu’un CAP de maroquinerie en tant qu’apprenti n’était pas envisageable. Après diverses recherches, c’est Delphine, maroquinière dans un village d’altitude à une heure de car de Grenoble, qui a accepté de les former, avec une immense gentillesse, patience et bonne humeur, une demi-journée par semaine pendant 18 mois. Parallèlement Louis et Françoise pratiquaient tous les jours dans l’atelier installé à la maison. Beaucoup de tâtonnements, une page Facebook témoignant des avancées. La ténacité et l’intérêt de Louis, les encouragements bienveillants des amis facebookiens, divers événements autisme à travers la France où Louis a pu présenter ses travaux de maroquinerie et exposer ses dessins ont fait le reste.
L’hypothèse d’une professionnalisation se confirmant, Françoise et Louis ont entamé auprès de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de l’Isère l’accompagnement nécessaire pour mettre en place un statut de micro-entrepreneur sous le nom commercial de « Luigi créations », et obtenu, toujours accompagnés par la CMA, l’aide à la création d’entreprise de l’Agefiph. Luigi le maroquinier a été enregistré comme micro-entrepreneur le 2 avril 2018, journée mondiale de l’autisme, deux jours avant le salon RIAU 2019, et la subvention consentie par l’Agefiph lui a permis de s’équiper d’outils
professionnels de qualité. Autre jalon de taille, outre quelques heures par semaine avec des éducatrices qui se sont mises, elles aussi, à la maroquinerie, Louis bénéficie depuis un an de la présence d’une personne aidante, Lilas, laquelle l’aide avec sons sens artistique, son tact et sa motivation sans faille, à s’organiser dans son travail et l’accompagne lors de ses expo-ventes. Luigi le maroquinier réalise des articles sur commande, les vend à l’occasion de ses expo-ventes. Ses ceintures sont notamment distribuées par une cordonnerie et il commence à réaliser des sacoches sur mesure pour des musiciens.
Aujourd’hui Louis travaille environ 25 heures par semaine dans son atelier et fréquente par ailleurs d’autres jeunes en situation de handicap dans le cadre de ses activités de sport adapté. Il poursuit également le dessin avec plusieurs séances de croquis par semaine au musée de Grenoble.
Il vient de recevoir la palme « Cour de cœur du jury » pour la 5e édition du festival Entreprise et handicap : ça tourne !, événement organisé par la cpme (Chambre des métiers des petites entreprises) en partenariat, notamment, avec la Chambres des métiers et de l’artisanat et l’Agefiph, https://www.handicap-entreprise-catourne.fr/ Découvrez sur youtube la vidéo du concours H’Up 2018, pour lequel il avait été sélectionné, et celle du festival Entreprise et handicap : ça tourne ! pour lequelle il vient de remporter la palme Coup de cœur du jury Et pour en savoir plus, allez faire un tour sur sa page Facebook et son espace boutique en ligne. Dès qu’elle en trouvera le temps, Françoise entreprendra de l’alimenter sérieusement, en tout cas avant les fêtes
Les rêves ?
Pour Louis
Partager un atelier artisanal avec d’autres jeunes artisans professionnels ou amateurs avec un accompagnement mutualisé, le tout accolé à un logement inclusif. Et aussi soumettre ses croquis au Musée de l’Art brut de Lausanne, pour en avoir le cœur net, puisque depuis plusieurs années des artistes et professionnels en soulignent l’originalité.
Pour Françoise
S’estomper au fil du temps en voyant son fils poursuivre son chemin en sécurité, de plus en plus autonome mais toujours accompagné. Et après ce défi de taille qu’elle a choisi d’aborder il y a plus de 20 ans comme une aventure humaine passionnante, avoir encore assez de temps, et d’énergie, pour vivre autre chose, autrement, et si possible, dans la sérénité.
On ne peut que leur souhaiter le meilleur à tous les deux