Va-t-on vers une nouvelle politique du handicap en France ? C’est ce que nous explique Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapée, dans l’excellente émission d’investigation d’Arte Vox Pop du 28 janvier 2018.
« En 2015, 80 millions d’européens souffraient d’un handicap,15 % de la population soit environ 10 millions de personnes en France. Ils sont souvent invisibles aux autres, les valides. Ils ont du mal à se déplacer, du mal à trouver un travail. »
Il y a 2 % de personnes handicapées en fauteuil roulant, 5-6% ayant un handicap sensoriel, 1 % de personnes autistes, mais 80 % des handicaps sont invisibles…
Pourquoi les personnes handicapées sont elles toujours discriminées notamment en France ?
Le rapport préliminaire de l’ONU d’octobre 2017
L’experte de l’ONU n’a pas été tendre avec la France tout en saluant néanmoins des avancées.
La France a une politique financièrement généreuse « d’un Etat providence qui attribue des ressources importantes aux personnes handicapées ». en revanche il y a une mauvaise efficience de la politique car il existe un ressenti des personnes qui n’est pas à la hauteur des enjeux financiers qui sont posés sur la table (44 milliards en 2015)
Les mauvais points :
- Tous les transports ne sont pas accessibles à toutes les personnes handicapées notamment le métro parisien
- Trop de personnes en institutions, trop d’établissements
- un système de protection sociale « très complexe » dans lequel il est « très difficile » de se retrouver
- des « abus et mauvais traitements à l’encontre de personnes souffrant de troubles mentaux et pouvant être hospitalisées sans leur consentement ».
Les bons points :
- le CIH (Comité interministériel du handicap),
- la concertation autour du 4ème plan autisme
- la tenue d’une Conférence nationale du handicap en mai 2018.
Les efforts à faire
- fermer progressivement les institutions et les transformer en services implantés dans la communauté
- simplification des aides
- considérer la personne handicapée comme un sujet de droit et non un objet de soin
- Continuer l’accessibilité des transports sur Paris (jeux olympiques de 2024) mais aussi sur tout le territoire y compris l’outremer
Le gouvernement va « dans la bonne direction » mais « les changements doivent être plus profonds pour aller vers une société véritablement inclusive »
Un exemple à suivre, la Suède
La philosophie suédoise : c ‘est à la société de s’adapter à la personne handicapée et non l’inverse.
En Suède, il y a 1 million et demi de personnes souffrant d’un handicap soit 15 % de la population comme le reste de l’Europe. La Suède a entamé la désinstitutionnalisation depuis 1990. Les gouvernements successifs ont mis en place une batterie de lois permettant aux personnes handicapées de jouir exactement des même droits que leurs concitoyens valides soit les droits de se déplacer, d’étudier et de travailler que l’Etat doit leur garantir.
Les citoyens handicapés ont droit à des assistants médicaux à domicile, des prêts pour aménager leur lieu de vie, et en Suède, 62 % des personnes handicapées sont employées, l’un des taux les plus élevés d’Europe. Stockholm est présentée comme la ville européenne la plus accessible.
Les droits des personnes handicapées
En France, les personnes handicapées sont vues comme des objets de soins et pas des sujets de droit. On y enferme encore des gens contre leur volonté…. Un des grands enjeux des années à venir est de simplifier l’accès au droit des personnes handicapées. Le système est très complexe, il est difficile de s’y retrouver.
Il faut repenser le droit d’étudier, le droit de travailler… Les personnes sous tutelle n’ont plus le droit de vote…
« Jusqu’à maintenant, la France voulait soigner et n’acceptait pas ces personnes comme des personnes entières, ordinaires en capacité de pouvoir vivre sans négliger pour autant leur besoin d’accompagnement. »
« 44 milliards d’euros en France, 400 milliards en Europe et pourtant cela n’avance pas. C’est une vieille Europe qui a vu la personne comme un être fragile à protéger, or ce n’est plus ce que souhaitent les personnes handicapées maintenant, elles veulent une émancipation sociale, elles veulent vivre comme les autres, on a trop souvent pensé et parlé à leur place. »
Vers une société inclusive ?
Le regard sur le handicap doit encore beaucoup évoluer dans la société française.
« Il faut transformer l’offre médico-sociale, il faut désinstitutionnaliser en accompagnant. Une autre façon de vivre est possible en faisant sortir les professionnels des établissements, en travaillant sur l’environnement, en disant aux français « ils ne sont pas différents de vous » ils ont les mêmes envies. Il y a 15 % de personnes handicapées et pourtant on ne les voit pas, ou peu. Il faut faire circuler la personne, la regarder, pour qu’elle existe, il faut qu’on la voie. »
Il faut que les personnes handicapées soient vues. Il y a les jeux paralympiques…. on commence à voir des personnes handicapées dans des photos de mode, des défilés, il faudrait que cela devienne normal et non plus une exception. Il faudrait que l’on voit des personnes handicapées au journal de 20 heures, des reporters handicapés avec leurs capacités de faire, peut-être différemment, mais de faire, avec leur envie, surtout.
Il faudrait que l’on voit les enfants handicapés dans les écoles, que les enfants soient habitués à côtoyer la différence.
« Il faut aller vers une accessibilité universelle. D’énormes efforts ont été faits. Maintenant que les tramway et les lignes de bus sont de plus en plus accessibles il faudrait en plus que les conducteurs de bus soient formés à accueillir une personne avec un handicap mental, une personne atteinte de surdité, avec un handicap sensoriel, un handicap visuel... »
Il faut commencer maintenant à créer la société inclusive de demain…. La Suède ne l’a pas fait en un an, ni en deux…. mais loi après loi, gouvernement après gouvernement sur deux décennies….
En attendant, les personnes handicapées, les familles concernées ont le sentiment que rien n’est fait, ou trop peu . Quand on attend le changement, le temps paraît long et surtout cela ne va jamais assez vite en pendant ce temps, les enfants en situation de handicap grandissent et perdent de précieux mois ou années qui auraient tout changé pour eux….