« Par définition, un bon établissement n’existe pas ». C’est ce que disait Catalina Devandas-Aguilar, la Rapporteuse Spéciale de l’Onu sur les droits des personnes handicapées en 2017 lors de son verdict préliminaire sur la situation des personnes handicapées en France. C’est c’est ce qu’elle réaffirme dans son rapport final de mars 2019. Et depuis, est ce que cela a vraiment changé, même si dans les discours on parle de plus en plus d’inclusion ? Et même si le début du virage a été pris….
Dans le paragraphe 53, la Rapporteuse Spéciale insiste sur le fait qu’il n’existe pas de « bon établissement d’accueil ». « puisqu’ils imposent tous un certain mode d’existence qui limite les possibilités de vivre une vie agréable sur la base de l’égalité avec les autres. Les personnes handicapées, y compris celles qui nécessitent beaucoup de soins, doivent avoir la possibilité de vivre en société. Le droit de choisir leur lieu de résidence et les personnes avec lesquelles elles vivent.
Un état des lieux inquiétant
La France est un des seuls pays d’Europe à posséder autant d’établissements spécialisés qui relèvent de structures ne dépendant pas du Ministère de l’Éducation nationale.
Je ne vais pas paraphraser le rapport qui est très clair.
51. La Rapporteuse Spéciale est extrêmement préoccupée par le nombre très élevé de personnes handicapées qui vivent dans des établissements répartis sur tout le territoire français. Environ 100 000 enfants et 200 000 adultes handicapés résident dans une grande variété d’institutions. La plupart de ces dernières reçoivent un appui financier de l’État. Ils sont dirigées par des organisations à but non lucratif, y compris des organisations de parents.
Bien qu’elles diffèrent par leur taille, leur dénomination et leur organisation, ces institutions restreignent toutes la liberté des personnes handicapées. Elles les séparent et les isolent de la collectivité. Elles leur ôtent le choix et le pouvoir de décision en matière de lieu de vie et de mesures d’assistance. Sans compter qu’elles les restreignent considérablement dans leur prise de décisions au quotidien.
En augmentation
52. Malgré ces données inquiétantes, la demande de places en établissements d’accueil dépasse l’offre existante et continue d’augmenter. Ceci s’explique par l’incapacité du Gouvernement à assurer l’indépendance des personnes handicapées dans d’autres lieux de vie. Il n’y a pas suffisamment de services d’appui de qualité dans les villes et les communautés où elles vivent. On note aussi un défaut de sensibilisation aux droits des personnes handicapées de vivre de façon autonome dans la société.
Il en découle qu’à l’heure actuelle, au moins 6 500 personnes handicapées, dont 1 500 enfants, sont ainsi placées dans des établissements d’accueil en Belgique. Ils sont loin des membres de leur famille et de leurs amis. Des mesures doivent être prises d’urgence pour remédier à cette situation. Il faut trouver en France des solutions à long terme, adaptées et fondées sur les droits de l’homme.
Fermer les établissements existants
54. La Rapporteuse Spéciale demande instamment au Gouvernement d’adopter un plan d’action concret pour fermer progressivement tous les établissements existants. Elle se doit de transformer le marché actuel de l’offre de services aux personnes handicapées en une offre de services de proximité. Ceci déjà notamment en matière de logements adaptés. La désinstitutionnalisation des enfants handicapés devrait être une priorité. Le Gouvernement devrait sérieusement envisager d’établir un moratoire sur les nouvelles admissions.
Pas que l’affaire de l’Etat
Mais que peut faire l’Etat quand parents et grosses associations gérant la majorité des centres réclament à corps et à cris de nouvelles places et de nouveaux établissements sinon répondre aux demandes ? Que peuvent faire les parents quand grosses associations, institutions et corps médical leur rabâchent qu’une place est la panacée et que les listes d’attente sont longues ? D’autant que « des parents qui s’opposent au placement de leur enfant handicapé en institution sont victimes d’actes d’intimidation ou de menaces. Dans certains cas, ils perdent la garde de leur enfant lorsque celui-ci est placé en institution de force ou fait l’objet d’un placement administratif » (paragraphe 51) C’est une machine bien huilée, pas forcément au service de ceux qu’elle est sensée aider, les personnes handicapées… .
« La France alloue pourtant des ressources financières et humaines considérables aux services aux personnes handicapées. Cependant les mesures qui sont prises actuellement pour répondre aux besoins des personnes handicapées en France sont extrêmement spécialisés, séparés et cloisonnés. Elles visent en particulier à apporter des réponses à l’invalidité plutôt qu’à transformer la société et le milieu de vie. Au contraire, il faudrait garantir à toutes les personnes handicapées des services et une aide de proximité accessibles et inclusifs.
Eh oui, voilà bien les mots : transformer la société. Transformer la façon de considérer le handicap, la personne handicapée.
Transformer la société
Or, il y a d’autres façons de voir, d’autres façons de faire, cela existe dans d’autres pays et cela marche. La Suède et le Danemark ont été précurseurs, dès les années 70. Mais il n’y a pas que les pays du nord. L’Italie s’est engagée dans le processus d’intégration des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers dans les écoles d’enseignement ordinaire. « En 1974 la réforme scolaire a vu le jour et en 1977. L’Italie a fermé la plupart des établissements spécialisés . Elle a concrétisé les droits des enfants handicapés à être intégrés dans les écoles de l’enseignement ordinaire du premier degré, en maternelle et en primaire. Au cours de l’année 2002, les écoles du premier et du second degré, accueillaient 136 500 élèves handicapés, soit 1,2 % de la totalité des élèves scolarisés dans l’enseignement ordinaire » (Étude comparative des politiques du handicap dans plusieurs pays européens réalisée par Madjid Madouche, chargé de mission à la Ville de Besançon Mission Handicap le 11 octobre 2006pour le CCAS de la Ville de Besançon)
» La France doit revoir et transformer son système afin de fournir des réponses et des solutions véritablement inclusives pour toutes les personnes handicapées. Il lui faut assurer une gestion et une répartition plus efficace des ressources. Elle doit fournir des services spécialisés et un accompagnement de proximité sur la base de l’égalité avec les autres « .
Il faut du temps
Alors, c’est aussi à nous aussi, parents, d’arrêter de réclamer des places en institution. Ne nous battons plus pour avoir encore plus de places. Battons nous pour que chacun de nos enfants ait sa place dans la société, à l’école, de la maternelle à l’université. Cela est vrai aussi en formation, au travail, dans la ville, parmi nous et non ségrégés dans des lieux de périphérie. Parce que loin des yeux et du coup forcément plus loin du cœur, dans un entre-eux qui les éloignent de plus en plus de nous.
Comme nous avons vu le voir ci-dessus pour l’Italie, cela prend au moins une génération. Au moins vingt ans alors, commençons dès aujourd’hui. Nous ne voulons plus des aides pansements pour nous faire taire, des AVS non formées, des AESH pas assez formées… Réclamons comme en Italie le meilleur pour nos enfants.
- des enseignants avec une qualification supplémentaire handicap,
- une réduction de l’effectif de la classe qui accueille un enfant handicapé.
Des questions
Pourquoi, dans d’autres pays, des personnes autistes peuvent être enseignantes, avocates, universitaires? Des personnes trisomiques, institutrices, passer leur baccalauréat, être championne de gymnastique ? Pourquoi en France, le handicap est toujours signifiant du moins et non de la différence. Et pourquoi les prises en charge les maintiennent-elles dans leur handicap ? Elles devraient au contraire les pousser vers l’intégration, l’inclusion, l’autonomie. Pourquoi, en plus de leur handicap, doivent-elles déployer plus d’énergie, plus de capacités, plus de volonté pour accéder aux mêmes droits que les personnes valides ?
Réclamons une place en crèche, à la maternelle, à l’école. Réclammons l’acompagnement et les moyens nécessaires pour combler la différence. Nos enfants, malgré leurs handicaps sont des guerriers. Offrons leur ce qu’il y a de meilleur, un vrai avenir.
Peut-être alors aurons-nous enclencher la volonté politique d’un véritable changement.
Une fois de plus on oublie le Polyhandicap, surtout quand on y rajoute une dépendance médicale ou Infirmiere, ce qui est de plus en plus souvent le cas.
Personne n’en veut, ni en établissement ni à l’école, et encore moins quand ils sont adultes.
Les parents se crèvent à la maison et n’ont aucune solution une fois qu’ils auront disparu.
Il ne faut pas fermer le si peu d’établissements qui les acceptent et leur permettent une vie sociale et un répit pour les parents.
On peut débattre pendant des heures si la trzs fraabde dépendance de nos aînés mais on oublie toujours nos enfants aussi dépendants.
Comment font les pays qui ont décidé la désinstitutionnalisation chez eux ? Qu’ont ils fait des enfants avec polyhandicap ?
Maman d’une enfant polyhandicape, je valide. Ma fille avec sa tracheotomie, son imc et sa gastrostomie n’a malheureusement pas de place en milieu ordinaire. Et en même temps, elle n’y serait vraiment pas à l’aise.
on croit rêver!!
cette brave dame n’a aucune idée de ce que peut être un « handicap neuro développemental sévère ».
bien sûr on ferme tous les Etablissements d’accueil et quand les parents vieillissant ne sont plus capables d’assumer, retour à l’Hôpital Psychiatrique!!
je ne souhaite pas à cette brave « donneuse de leçon » d’avoir un tel handicap à gérer dans sa famille ou son proche entourage.
j’adore les gens qui ne savent pas de quoi ils parlent!!
Vous avez tout à fait raison, la sottise n’a jamais résolu aucun problème et le simplisme en fait partie, comme si tous ls parents concernés avaient 40 ans à vie (et encore si la mère ne se retrouve pas seule, 80% parents d’enfants handicapés solo) et leurs enfants 8 ans !
Quelle c….
Concernant le polyhandicap ou la grande dépendance, je vous invite à voir ce qui se fait en Suède ou les personnes ayant plusieur incapacités (polyhandicap) ont droit à un.e assistant.e personnel.le jusqu’à 24/24h dès l’âge de deux ans et ce hors établissement (chez leurs parents ou chez eux lorsqu’elles sont adultes).
https://www.google.com/amp/s/www.histoiresordinaires.fr/%25E2%2580%258BEn-Suede-Magnus-et-ses-amis-polyhandicapes-dirigent-leur-association_a1895.amp.html
Il faut vraiment sortir du cloisonnement que notre société impose. Bien sûr que tout est possible et pour tout le monde hors des murs. Ce ne sont pas les murs qui aident et accompagnent pour tous les besoins mais les aides et la compensation. Donc possible à domicile. Qui accepterait réelement de vivre enfermé si autre chose était proposé ? Donc battons nous pour qu’autre chose existe et pas pour l’enfermement.
Entièrement d’accord !
La fermeture des établissements spécialisés tant pour les enfants et adultes est possible comme le montre l’expérience italienne. Cela suppose une désinstitutionnalisation tant des personnes que des professionnels du handicap. Ces derniers qu’ils soient soignants, éducateurs ou assistants de vie, interviendraient dans les lieux de vie ordinaire (habitat, école, université, entreprises.
Dors et déjà, en France, se développent pour les adultes,des services d’aide et d’accompagnement à domicile tant pour des adultes handicapés physiques ou intellctuelles. Parfois, ces personnes sont isolées ou regroupées. Le regroupement d’appartements adaptés au sein d’immeubles ordinaires permet à des personnes physiquement dépendantes de co-dinancer une présence de jour comme de nuit au sein d’un immreuble ordinaire. Le co-fnancement est possible par la mutualisation d’une partie de la Prestation de compensation du handicap. [PCH] Ce qui implique une certaine solidarité entre les personnes handicapées, devant dépendre d’un même service d’aide à domicile.
Je suis absolument d’accord avec cet article et pourtant mère d’un enfant avec un handicap neuro développements sévère, polyhandicapé . J’ai plus peur de ce qui pourrait arriver plus tard à mon enfant dans un établissement, fermé, loin des yeux de la société que s’il y est inclus et accepté comme tout autre personne.
Bien sûr on ne peut qu’être complètement d’accord avec la philosophie générale développée ici, l’inclusion dans la société à tous les âges, et à tous les niveaux est favorable à une vraie émancipation, à un mieux être. MAIS il faut aussi penser aux personnes polyhandicapées, pas du tout autonomes, qui ont besoin de soins constants, d’accompagnement médical..et là il y a encore beaucoup à faire ! Il me semble que cela relève davantage du secteur « santé » que du secteur médico social, ou des deux ? Les parents, s’ils sont encore eux même valides y sacrifient leur vie souvent… Davantage d’humanité, d’attention aux plus fragiles est nécessaire !
Et que NON il faut au contraire continuer à demander des places pour nos enfants handicapés
Ma fille autiste sévère est dans un établissement d adultes autistes et je bénis tous les jours le ciel qu elle ait été acceptée dans ce centre qui prend soin avec d énormes compétences de mon enfant.
Lorsque elle était enfant, bien sûr que c était difficile de l imaginer dans un internat loin de moi et de ses sœurs.
Puis, elle a grandi … mère isolée, je n avais comme choix pour vivre que de travailler. J ai pris des aides (asso, étudiantes, gardes compétentes…) mais cela ne suffisait pas et à déstabilisé complètement mon budget. Ma fille avait besoin de stabilité. Et l évidence d un placement dans une structure adaptée s est manifestée. Ce fut la Belgique qui m a offert une place.
Puis, elle a été acceptée dans un établissement plus proche de mon domicile et j en suis là plus heureuse.
Elle est dans son élément avec des jeunes adultes comme elle, dans un environnement sécurisé.
Lorsqu elle rentre le week end chez moi, elle Est heureuse mais au bout de qq jours, semble s ennuyer et est toujours ravie de retourner sur son lieu de vie.
Et pour ma part, je n imagine même pas ma vie avec ma fille et des aidants sans cesse dans mes pattes. Merci l intimité en plus.
Je ne renie pas ma fille, je l aime comme vous ne pouvez imaginez mais … le combat est très dur pour nous parents. Il y a notre vie, la vie des autres enfants et petits enfants à respecter aussi. Et sans place dans un établissement pour ma fille, je serai Ko.
J ai juste dit quand j ai eu l accord du placement de ma fille : « c est bon, maintenant je peux mourir sereine ! »
Méditez cela ceux qui pensent le contraire en réfléchissant sur : que fera t on de nos enfants / adultes lorsque malheureusement vous décéderez ? Ce sera le rôle des frères et sœurs, ou de leur descendance à les prendre en charge faute d établissements ? Ou l hôpital psychiatrique ?
Ou …. ?