J’ai acheté “Le royaume de Tristan” d’Anne-Sophie Ferry…. et je l’ai dévoré d’une traite.
C’est un livre qui pour moi arrive bien tard…. Karim est déjà adulte, un autre chemin a été ouvert, empirique, certes, mais correspondant aussi à notre histoire, et ses progrès sont quotidiens.
Dans ce livre, Anne-Sophie Ferry y relate sa lutte de mère pour Tristan, son fils autiste, mais aussi son parcours de vie envers et contre tout et tous, d’espoirs en déceptions, tour à tour confiante, méfiante et critique avec pour fil rouge le mieux-être de son fils et de sa famille, pour comprendre et sortir du chaos et de l’enfer…..
Beaucoup de nous se reconnaîtrons dans son histoire, dans sa quête de solutions pour entrer en relation avec Tristan….
Des bribes de récits remonteront à notre mémoire comme les résurgences de notre propre vécu : les cris ininterrompus, les objets cassés, les retards d’apprentissages qui s’accumulent et qui nous angoissent, le manque de sommeil, la ronde des psys et des professionnels qui vous accusent d’être la cause du comportement de votre enfant et qui vous donnent comme outil (quand ils daignent vous le donner) des conseils pour une promenade dans les Vosges alors que vous êtes sur un éperon rocheux de l’Himalaya…. Tout y est, comme le miroir de notre histoire avec des mots justes pour le dire, et cela fait du bien. Non, on n’invente pas ! Oui, on a de sérieuses raisons de s’inquiéter, mais aussi de sérieuses raisons de ne pas se laisser conter n’importe quoi….
Tristan connaîtra à 4 ans l’enfermement de l’asile psychiatrique avec les séquelles qu’un tel internement peut provoquer chez un petit enfant autiste ou pas. Avec opiniâtreté, Anne Sophie l’en sortira avec l’aide de son ex-conjoint, tout comme elle changera son fils d’établissement chaque fois qu’elle aura des doutes sur l’efficacité des thérapies utilisées.
Pour Tristan, elle abandonne sa carrière de chanteuse lyrique, son cercle d’amis se réduit comme peau de chagrin et ses journées sont rythmées par les crises, les progrès et les régressions.
Une mère-courage, comme il en existe tant d’autres silencieuses…
L’A.B.A.
Mais Anne-Sophie a croisé un jour la route de l’espoir avec la méthode ABA (“Applied Behavior Analysis” Analyse Appliquée du Comportement) ainsi que d’autres méthodes qui en découlent. Elle s’y plonge corps et âme. Confiant Tristan a une amie, elle suit les cours en “Analyse du comportement appliqué aux troubles du développement et du comportement”, mais pour elle, même si l’enseignement est essentiellement théorique, elle cherche avant tout à mettre en application les connaissances acquises pour améliorer la vie de Tristan. Elle cherche dans des études rédigées en anglais dans d’autres pays, et trouve peu à peu des clefs pour ouvrir la porte du Royaume de Tristan. A petits pas, au rythme de son enfant, elle expérimente avec lui les méthodes apprises, et très rapidement, Tristan fait des progrès. Elle se pose sans arrêt de nouvelles questions, se remet en cause…
“J’en viens à me demander s’il a vraiment eu -des angoisses parce qu’il est autiste- ou si, simplement il n’a pas eu la possibilité de communiquer sur ses envies, ce qui l’a mis de très très mauvaise humeur… Il pleurait et se contorsionnait des heures parce qu’il voulait s’exprimer” (page 146)
Cette phrase résonne en moi. C’est une question qui m’a taraudée aussi, et qui a été à la base de mon écoute de mon fils Karim il y a 6 ans…. Et ce nouvel angle d’approche a changé aussi notre vie.
Anne-Sophie continue, encore et encore, inlassablement à essayer de faire progresser son fils, parfois contre et malgré le corps médico-éducatif, mais aussi et de plus en plus souvent avec des éducateurs qui constatent les bienfaits des exercices sur Tristan, réalisant le rêve secret de beaucoup de mamans : un travail d’équipe mère/soignants…..
Un travail de titan qui la nourrit au point de s’oublier totalement jusqu’à l’épuisement, au détriment de sa santé, ce que son corps lui rappelle brutalement.
Sevrer Tristan
Après un mois de repos, un nouveau combat l’attend : le sevrage de Tristan en surdose de neuroleptiques.
“… huit mois en enfer, je viens de combatte l’état de manque de Tristan en sevrage des neuroleptiques et, pire, ses insomnies. J’ai revécu les hurlements, j’ai survécu aux objets qui volent dans la pièce, aux lits renversés, j’ai passé parfois dix-huit heures sur vingt-quatre dans les cris et le combat permanent. Dans ce chaos, j’ai beaucoup appris: par nécessité vitale, j’ai dû me spécialiser dans la réduction des comportements problématiques, la gestion des crises avec violences. J’ai vu défiler absolument tous les pires comportements et il a fallu trouver une solution pour chacun d’entre eux : un stage accéléré grâce à Tristan...” (p 167)
Parallèlement, elle passe ses examens, et est reçu brillamment. Après des années de solitude, de luttes, d’apprentissages, d’études, le monde change pour Anne Sophie et Tristan. Forte de ses diplômes et de son expérience, elle trouve rapidement un premier poste : référente psycho-éducatrice auprès d’enfants, elle reprend l’art lyrique, retrouve ses amis….
“En appliquant certains principes, je vois Tristan (maintenant âgé de neuf ans) s’apaiser, et moi je reprends mon autorité, ma place de mère sans contrainte, sans camisole, avec douceur. Et ce combat me donne envie de me former encore plus, de former les autres, de crier : “hé, j’ai trouvé de l’or, venez voir !” mais je suis candide peut-être…” (p 168)
ou peut-être pas !
On a envie d’y croire parce que c’est aussi vital pour nous. Malgré la rechute brutale de Tristan lors d’un passage par l’internat avec un gros retour à la case départ.
“Ce n’est pas le courage qui me maintient en vie, c’est l’obligation. Si je pouvais trouver une autre alternative, je ne vivrais pas cette vie. Mais je n’ai pas de choix justement. Alors je me suis transformée en soldat.” p 221
” On n’imagine pas à quel point les séquelles (sur les accompagnants) sont importantes, elles ont été évaluées en Angleterre et aux États-Unis. Il en ressort qu’une mère d’enfant autiste présente les même symptômes de “stress post-traumatique” que les soldats prisonniers de guerre” (p 222)
“Être “parent-thérapeute”, chez nous, c’est tabou. C’est naturel en Allemagne, où le célèbre Analyste du Comportement Robert Schramm a prouvé l’efficacité démultipliée de l’impact des parents thérapeutes sur les progrès de l’enfant. (p 224)
Merci à Anne- Sophie d’avoir non seulement trouvé les clefs du Royaume de Tristan, mais de nous avoir donné des pistes pour trouver les clefs du Royaume de notre enfant.
Un livre nécessaire
Apprenons à devenir les thérapeutes de notre enfant.
Ce livre est comme une nécessité. Son sous-titre nous dit tout ” Guide de survie d’une maman face à l’autisme”
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Il ne restera qu’à trouver un peu de temps pour l’ouvrir…. Ensuite il se dévore, se savoure et fait vraiment du bien…