Zohar, Amit et Ron, autistes presque trentenaires vivent en colocation, dans un appartement de la banlieue de Tel Aviv, assistés par une accompagnante qu’ils peuvent joindre au téléphone et qui les aide à régler les problèmes qui peuvent survenir tant dans la colocation que dans leurs efforts, envie ou besoins à trouver un travail, s’y intégrer, nouer une relation amicale ou amoureuse….
Au fur et à mesure des épisodes, les personnages s’intensifient, les situations cocasses ou dramatiques se succèdent, dévoilant le fossé de la différence et les limites des rêves d’inclusion. Oui, on peut sortir des institutions pour aller dans des appartements inclusifs au milieu de la cité, mais ce n’est pas pour autant que la relation à l’autre coule de soi… L’appartement reste un mini entre-soi ou s’exacerbe encore la solitude.
On the spectrum porte bien son nom car l’autisme est un spectre et nos trois colocataires ont très peu de points communs si ce n’est celui d’être autistes tous les trois.
Les dialogues, les situations, tout sonne juste.
Ron, Zohar, Amit et Eret
Ron est asperger. Il souffre de phobie sociale et ne quitterait jamais l’appartement si l’une des conditions pour y habiter n’était d’avoir un emploi. Il passe des heures devant son ordinateur et se passionne de façon exclusive pour les essais de robots ménagers. Il est très doué en informatique mais est un accro des téléachats. Ses parents lui versent une pension et seul son compte en banque vide et le manque d’argent pour continuer à acheter ses robots le motive à chercher un emploi. Son accompagnante le prépare aux entretiens d’embauche et dès le premier épisode on comprend que malgré ses grandes compétences en informatique, trouver un travail va être très difficile pour lui. Une belle relation amicale nait avec la voisine du dessus, qui elle aussi ne sort jamais de son appartement pour des raisons d’obésité grave… Deux solitudes, deux différences qui s’apprivoisent autour d’un intérêt commun… La seule vraie relation autiste/neurotypique amicale et réciproque de la série…
Zohar travaille dans un fast-food, elle y fait les préparations. A presque 28 ans, sensible, elle désespère de rencontrer un petit ami « normal » et sa naïveté l’amène dans des situations à la fois cocasse et tragiques…. Son grand frère Acher veille sur elle, à la fois protecteur, doux et à l’écoute, parfois surprotecteur, tranchant et sec… Il faut dire que s’occuper de Zohar empiète souvent sur sa vie personnelle et perturbe sa propre vie amoureuse. Zohar, au début de la série, en pince pour son orthophoniste, créant une ambiance ambivalente durant les séances… On la suit tout au long des épisodes dans sa quête d’un petit ami et surtout celle d’avoir enfin la vraie relation sexuelle dont elle rêve à corps perdu, au-delà des simples baisers amicaux dont elle ne se satisfait plus. On suit aussi sa relation avec ses collègues de travail, le décalage entre sa perception de leurs relations et la réalité de celle-ci.
Amit lui, a une déficience mentale… Un esprit enfantin dans un corps d’adolescent attardé et obèse…. Un sourire suffit à illuminer son visage. Très accro à la prise de nourriture surtout sucrée, il adore prendre des jus d’orange et des croissants dans le même café où il s’éprend de la jolie serveuse qui montre de la sollicitude envers lui…. La relation va doucement glisser au harcèlement, ce qui posera des problèmes à Amit sans qu’il en prenne vraiment la mesure de la gravité.
Erez, vit encore en foyer… Il rêve d’habiter en appartement et fait tout pour réaliser son rêve. Il est souvent présent dans l’appartement et accompagne souvent Amit au céfé.
Performance d’acteurs
On peut saluer ici la performance d’acteur. D’ailleurs, après avoir été récompensé il y a deux ans par le Grand Prix du Festival Séries Mania de Lille la série a obtenu la Nymphe d’Or de la Meilleure Série TV, de la meilleure actrice et du meilleur acteur au Festival de Monte-Carlo-2019.
Mais on ne peut s’empêcher de s’interroger sur le non choix d’acteurs eux-même autistes. La question s’est bien entendue posée et la production a préféré embaucher des acteurs dotés d’un sens comique. Niv Majar est dans son pays un acteur de stand up très connu.
Il est question d’une adaptation américaine où les rôles principaux seront interprétés par des acteurs autistes.
Mon avis
J’ai adoré… J’avoue l’avoir dévoré en une seule fois en me couchant à 4 heures du matin… Le lendemain a été dur… Depuis je l’ai revu et je l’apprécie toujours autant.. Les quatre profils très différents offrent une vue d’ensemble du spectre autistique, des difficultés de compréhension des relations et des problèmes de communication des personnes autistes. J’ai pu y glisser Karim, quelque part, entre Amit et Zohar, saupoudré d’un peu d’Eret et même d’un peu de Ron, même si Karim est très loin d’être Asperger. Néanmoins,je me pose des questions, non pas sur la série elle-même, qui sonne juste, tant dans les situations que dans la richesse des personnages, mais sur l’inclusion dont on parle tellement actuellement, sur les appartements partagés, dont on parle aussi et qui commencent à devenir réalité et alternatives possibles aux centres.
L’absence des familles me dérange. Il est juste question que les parents de Ron lui versent une pension (insuffisante pour sa frénésie de téléachat). Le père d’Amit qu’on ne voit pas intervient dans le moment délicat de la garde à vue. Seul Acher, le frère de Zohar est présent, veillant sur sa sœur… Yael, l’accompagnante du trio intervient pour régler les problèmes, mais elle n’est pas leur amie, même si elle reçoit leurs confidences. La relation est à sens unique. D’ailleurs son contrat est d’un an renouvelable et elle n’est pas sûre de rempiler. Il faut dire que son travail, indispensable, n’est pas de tout repos.
Vivre en appartement, comme en centre inclut donc la coupure d’avec sa famille ? Je trouve plus d’humanité alors dans le docu-fiction australien Love in the spectrum, où les familles sont présentes, bienveillantes, aidantes et compatissantes, représentant un vrai soutien durable pour l’adulte autiste qui cherche sa voie, son autonomie et l’amour.