La différence fait peur. Croiser le chemin, le regard d’une personne en situation de handicap nous met dans l’embarras. Entre fausse indifférence et voyeurisme ostentatoire, où trouver le juste équilibre ?
Non pas paraître naturel, mais être naturel. Là est la question.
Je fréquente le handicap de Karim quotidiennement depuis 33 ans maintenant, il fait partie de ma vie et c’est donc tout naturellement que parfois je compatis, parfois je le charrie, parfois je le brusque aussi, déjouant ses stratagèmes pour cacher sa fainéantise sous son handicap. C’est tellement plus facile quand c’est maman qui fait les choses pas très agréables.
Par contre, je suis aussi mal préparée que chacun à croiser une autre personne avec un handicap quel qu’il soit. J’ai toujours l’impression d’être gauche, malhabile, de ne pas savoir quoi dire, quoi faire et surtout pas ce qu’il faudrait…. Du coup, je reste à l’écart, quitte à faire croire que je snobe la situation ou que j’y suis indifférente.
Pour la personne handicapée, je crois qu’il en va de même. Craintive de ce que l’on peut penser d’elle, elle est plutôt sur la défensive, guettant avec appréhension la moindre hésitation, le regard fuyant ou trop appuyé comme confirmation de toutes les bonnes raisons qu’elle a d’être méfiante. Et quelque part, ses raisons sont bonnes, étayées par l’accumulation de toutes les mauvaises expériences passées.
Nos peurs réciproques s’opposent à la communication et à l’échange.
Comment ébrécher ce mur qu’un fauteuil roulant, qu’une canne blanche, qu’une gueule de travers pas trop dans les canons de la normalité ont dressé entre nous ? Le handicap nous met mal à l’aise, parce qu’il est exception, parce qu’il est souvent invisible ou caché, avec la honte d’avoir quelque chose en moins, que ce soit de naissance ou accidentel.
Et si l’on s’apprivoisait ?
Comme dans la rencontre du Petit Prince et du renard, si on s’apprivoisait, si on prenant ce temps de découverte ?
« Que veut dire apprivoiser ? » Pourrait-on demander comme le Petit Prince
Et le renard pourrait aussi nous répondre « C’est une chose trop oubliée, cela signifie : créer des liens ».
Relisons ce magnifique texte de St Exupéry que nous connaissons mal, de croire le connaître trop.
Soyons tour à tour le renard et le Petit Prince, celui qui approche et celui qui se laisse approcher, celui qui fait le premier pas et celui qui laisse faire le premier pas. et nous y gagnerons tous à cause de la couleur des blés.
Le chemin de la découverte se fait à deux.
Une arme efficace, le rire
Rire, quand on est mal, quand on souffre, quand tout pèse est parfois très difficile. Et pourtant, c’est une arme efficace pour abattre les murs d’incompréhension.
Le rire désarme et parfois un brin d’autodérision désamorce bien des situations de gène.
Oui, c’est vrai, j’ai un handicap et alors…. N’ai-je pas droit aussi au rire dont on dit qu’il est le propre de l’homme ?
Et pourquoi pas revoir « Intouchable » et ses répliques cinglantes. même si ça n’est qu’un film, il est tiré d’une histoire vrai. Sous l’ironie, l’estime et la tendresse...
Et si on commençait dès l’enfance ?
La ségrégation commence tôt. Certes, les établissements spécialisés sont en principe là avant tout pour offrir aux enfants en situation de handicap de moyens adaptés à leurs capacités, leur permettre de faire de progrès, les soustrayant aussi aux regards et aux questions pas toujours délicates des autres enfants.
Mais cette protection entraîne elle-même des effets pervers, Elle enferme dans le handicap, elle l’isole et cela continue après toute la vie….
L’école inclusive est en route, avec des grincements de dents, des faux pas, des conflits, des conflits d’intérêts mais aussi parfois une belle énergie et de belles histoires. Elle demande à se réinterroger sur ce qu’est l’éducation nationale, ses missions, ses objectifs… Un long chemin à parcourir, qui va modifier la société en profondeur.
L »intervention d’Assistantes de Vie Scolaire (AVS) permet de maintenir le contact entre deux mondes… Mais l’acceptation de la différence (de toutes les différences d’ailleurs) est un processus qui s’accompagne. Les cours d’école ne sont pas tendres, il n’est qu’à lire L’Empereur c’est moi de Hugot Horiot, Je suis à l’Est de Joseph Schovanec et tant d’autres récits de vie
Et l’école n’est pas le seul lieu de vie. Il y a les activité périscolaires, la rue, le quartier, la ville….
Le handicap n’est pas contagieux.
Où et comment trouver l’équilibre ? Qu’est-ce que l’inclusion ? Qu’est ce que chacun met sous ce mot… L’inclusion commence près de chez soi, souvent, avec ses proches et ses voisins…. Elle commence par une phrase toute simple que l’on m’a adressé en Irlande dans la rue quand Karim a fait une crise…. « Qu’est-ce que je peux faire pour vous aider »
L’inclusion, c’est l’affaire de tous….