J’ai été voir hier soir Une place pour Pierrot, le film de d’Hélène Medigue, avec Marie Gillain, Grégory Gadebois, Patrick Mille
Pierrot, 45 ans, est autiste et vit dans un foyer médicalisé. Il passe ses week-end chez sa soeur Camille. Celle-ci s’aperçoit que le médecin du centre a encore augmenté la dose de médicaments, de son frère, l’abrutissant encore plus. Déterminée, elle décide de l’enlever du centre et de lui offrir une vie digne. Camille le prend chez elle et se met en quête d’un endroit mieux adapté à sa différence. Mais il est difficile de trouver une place et en attendant, la vie est difficile à la maison, notamment pour sa fille. Camille s’épuise. Le chemin est long mais c’est la promesse d’une nouvelle vie, au sein de laquelle chacun trouvera sa place.
Je suis forcément sensible au propos du film puisque moi-même j’ai retiré mon fils Karim du centre occupationnel quand il était quand il a été question de le médicamenter. L’histoire est belle, les acteurs sonnent juste, la vie d’aidant est bien brossée… C’est un beau film où beaucoup se reconnaîtront dans leur recherche de la place idéale pour leur enfant et où d’autres découvriront la difficulté de la vie d’aidant….
Et la vraie place de Pierrot, elle est dans le cœur de Camille. Et derrière cet amour, il y a toute une vie à grandir ensemble.
Bande annonce
Mais…
Mais en cherchant une place pour Pierrot, Camille écoute-t-elle les désirs de son frère ? Pourtant il les exprime, il souhaite rester avec sa soeur Camille et sa nièce Emma. Il le dit à plusieurs reprises, mais en tant d’années de centre, il a surtout appris la résignation. Quelle est la place de la personne différente au sein de sa famille ? Finalement, il intègrera la ferme et Camille fera les kilomètres le week-end pour venir le voir. Pour lui, la vie d’avant, mais en mieux et avec moins de médicaments… Pour elle, la vie d’avant, mais en plus sereine, avec des kilomètres d’amour le week-end.
J’en suis sortie mitigée. On voit qu’Hélène Medique connaît le sujet, et pour cause, elle a un grand frère autiste. J’ai la même impression finale que pour un p’tit truc en plus (que j’ai quand même adoré)… Une impression que l’inclusion est encore très loin dans l’esprit même de ceux qui sont concernés par le handicap.
Les deux films ont des similitudes. Un entre-soi entre personnes différentes et leurs référents avec en plus dans Une place pour Pierrot, un lien très fort entre un frère et une soeur… Dans un lieu isolé avec de beaux paysages : une colonie de vacances perdue dans le Vercors, une ferme agroécologique au bord de la mer….Oui, c’est mieux que les centres classiques que nous connaissons, mais où est l’inclusion ?
Il y est aussi esquissé en tout petit le trop grand problème de la vie affective et sexuelle. Cela a au moins le mérite de ne pas le nier.
En sortant du film, curieusement, je pensais aux Maisons de Vincent, alors j’ai farfouillé un peu sur l’ordi
Et pour cause
Et je me suis rendue compte que Les Maisons de Vincent, c’est Hélène Medique. Elle a créé ce projet pour son frère Vincent autiste. Une première, dans la Somme, où son frère Vincent a trouvé sa place, une seconde à Gould dans le Vaucluse. Et j’admire, car là où je n’ai fait qu’accompagner mon fils dans son souhait d’inclusion, elle a offert 12 places donnant du sens à la vie de 12 personnes autistes
Quelque part, j’aurai aimé alors qu’Hélène Medique aille plus loin et parle de son propre combat. et du coup, par ricochet, de ces parents qui changent leur vie pour accompagner vraiment leur enfant en ne se contentant pas juste de les placer, même si la place semble belle. Ceux qui changent de lieu de vie, de travail, qui créent des appartements partagés…
Parce qu’en créant, on ne subit plus la situation et même si le chemin est difficile, même si on ne suis pas la voie qu’on croit être la notre, on reste acteur de sa vie, tout en accompagnant l’autre vers un meilleur futur et disons le aussi, un futur vivable après nous. Parce que, dès très petits, la grande question est là, que deviendra-t-il après moi ?
Et l’inclusion ?
On milite pour l’inclusion à l’école, au travail… L’inclusion, pour moi, elle commence près de chez soi, dans sa famille (pas si évident que cela) avec les voisins, le quartier…..
Le mois dernier, mon voisin est venu s’asseoir un peu à l’atelier causer…. Après des années à nous apprivoiser l’un l’autre, ce sont des petits moments de partage. Il invite aussi parfois Karim à prendre un verre à une terrasse…
« Je viens d’aller boire un verre avec Karim. On a réussi à avoir une vraie discussion pendant dix minutes. J’en arrive à le considérer comme un de mes copains. Pas le plus intelligent, de loin, mais quelqu’un avec qui je peux passer un bon moment d’échanges un peu bizarres. Finalement, je me dis que s’il était resté dans son centre, avec des personnes comme lui, jamais je n’aurai pu avoir ces moments avec lui, car il n’aurait jamais pu faire les progrès qu’il a fait »….
Et hier soir, on a proposé à Karim d’aller au cinéma avec nous. Malgré ses DVD, le cinéma, c’est pas son fort. « Je préfère m’ennuyer tranquillement »… (avec ses DVD) On ne l’a pas forcé. Ca ne servait à rien.