Retour à la case HP (hôpital psychiatrique) pour Dimitri Fargette…. Pourtant, il y presque deux ans, on y croyait…. après 18 ans en hôpital psychiatrique, sous camisole chimique et contention, grâce à sa famille, Dimitri avait enfin pu quitter l’hôpital, pour être auprès des siens avant d’être admis dans un centre spécialisé pour personnes autistes. Des photos ont circulé, avec un Dimitri rayonnant, heureux de vivre et comme il n’y avait plus de nouvelles de lui, on se disait pas nouvelles, bonnes nouvelles…. Mais à présent tout est à recommencer. Quel avenir pour Dimitri Fargette ?
Pour sa famille et son frère Nicolas qui s’est battu comme un lion pour le faire sortir de l’hôpital de Dôle, c’est un coup sur la tête : Dimitri a été exclu de l’établissement où il avait été admis et renvoyé à Dole. Retour à la case départ.
La cause : ils n’arrivent pas à gérer ses troubles du comportement.
On pourrait dire : la famille de Dimitri a trop rêvé en pensant qu’il était possible à Dimitri d’avoir une vie plus normale, en inclusion…..
C’est compter sans le système français de prise en charge de l’autisme : le TOUT ou RIEN !
LE TOUT C’est quoi ?
Le tout, en France, c’est encore l’institutionalisation…La facture d’hôpital psychiatrique de Dimitri s’élève à 673 € 90 la journée…soit quand même pour Dimitri, la coquette somme de 242 280 € par an soit pour 18 ans : plus de 4 millions d’euros….
Pour quel résultat : une surmédicamentation, de l’isolement et de la contention !!! L’interdiction à la famille de voir Dimitri, parce que bien sûr, quand ils partent, il est perturbé…. Il y a de quoi être perturbé quand l’horizon de sa vie se limite à une salle de contention et quand la seule façon de se révolter est la violence ou l’automutilation et que pour éviter cela vous retournez à la salle de contention… Quand le serpent se mord la queue, et pour attendre quoi ? Pour quelle vie ?
LE RIEN c’est quoi ?
C’est le retour de Dimitri à la maison avec pour aumône une compensation PCH de 3 h 30 par jour à 3 € 79 de l’heure pour l’aidant familial soit à peu près 400 € par mois, dédommagement soumis aux prélèvements sociaux en tant que revenu du patrimoine (CSG et CRDS) au taux global de 15,5 %. donc finalement il reste 340 € soit pour un mois la moitié d’une seule journée d’hôpital….
Car bien sûr, Dimitri malvoyant en plus de l’autisme aurait besoin d’une prise en charge à temps complet. Dans les premiers temps, sa famille s’est relayée pour lui apporter le soutien nécessaire, mais la vie continue, il faut reprendre le travail quand les jours de congés sont épuisés, il y a les traites, les factures, les enfants, enfin, la vie d’une famille, quoi, il faut pas vous faire un dessin….
A ce rythme là, la famille a tôt fait de s’épuiser… Être aidant familial, c’est choisir de vivre au dessous du seuil de pauvreté, c’est accepter sans espoir de répit le stress, l’anxiété, les problèmes de sommeil, la fatigue physique et morale….
Il en faut de l’amour !
Et puis, quand on craque, on nous dit : On vous avait prévenu !!!!
Non !
Le système français a tout fait pour que cela ne marche pas….
Le centre spécialisé autiste
Dans son circuit retour à la case départ, Dimitri est passé par un centre officiellement spécialisé autisme….
Bravo aux professionnels de l’autisme !!! Mais aussi bravo au système qui met autant de personnes autistes pour si peu d’intervenants dans une structure spécialisée autisme…. Aucuns autistes ne se ressemblent, le spectre de l’autisme est si large…D’après Nicolas, le frère de Dimitri, il y avait 30 autistes dans le centre… Comment peut-on accompagner autant de personnes autistes avec si peu de personnel…. Moi qui suis devenue experte dans les troubles du comportement de mon fils, j’avoue être souvent démunie et en terrain inconnu quand je me trouve face à une autre personne autiste.
D’autant que les troubles du comportement c’est une valeur variable… Ils peuvent s’intensifier en réponse à une prise en charge inadaptée… Et de réaction à mauvaise réponse, on peut grimper allègrement par incompétence la pente du retour à l’HP.
Quel avenir pour tous les Dimitri de France ?
A l’aube du quatrième plan autiste, on ne peut être qu’en colère….
- Quel accompagnement y-a-t-il dans notre pays pour les adultes autistes en général et déficients mentaux en particulier ?
- Quelles solutions à part les médicaments et l’enfermement ?
- Pourquoi l’hôpital psychiatrique reste-il encore LA solution ?
- Pourquoi encore tant d’adultes autistes en hôpital psychiatrique alors que ce N’EST PAS LA PLACE DE LA PERSONNE AUTISTE. L’autisme n’est pas une maladie, c’est une neurodiversité.
Quand on pense à ce que pourrait être la vie de personnes autistes adultes, quand on voit ce qui se passe dans d’autres pays plus inclusifs, on ne peut être qu’en colère…. Quand on voit comment Dimitri a repris goût à la vie, finalement en très peu de temps si l’on prend en compte la dose massive de médicaments en tout genre qu’il a ingéré pendant des années, durant les moments passés en famille avant d’intégrer avec grands espoirs un centre spécialisé autiste, on ne peut que s’alarmer, se révolter….Combien de Dimitri sacrifiés sur l’autel des mauvaises prises en charge, de l’incompétence et de l’ignorance ?
Quand je vois l’énergie, la combativité et l’inventivité que déploient les mamans et les familles d’enfants autistes pour leur apporter le plus souvent le minimum rêvé, le meilleur se perdant dans les labyrinthes bureaucratiques, je ne peut qu’être en colère devant tout ce gâchis…. Que se passera-t-il quand leur enfant se retrouvera devant le mur des 21 ans, celui qui posera la question de l’autonomie, de l’indépendance ou de la dépendance, de la place de garage que lui réserve la société, en FAM, en MASS ou en hôpital psychiatrique ?
J’ai depuis longtemps réalisé, comme beaucoup de mamans d’enfants autistes, que j’étais la seule chance de mon fils. Parce que son sort a été réglé par le système il y a maintenant près de 10 ans. Il a eu LA CHANCE d’avoir une place en groupe occupationnel pour adulte…. Waouh ! Déjà le nom…. Imaginez qu’on va vous occuper pendant les quarante années à venir… Imaginez qu’on vous offre d’être en colonie de vacances pendant 40 ans, avec des horaires bien réglés, des activités bien réglées, un peu de jardinage, un peu de bricolage, quelques promenades en troupeau serré, avec d’autres qui vous ressemblent, vu du haut de la normalité, sans espoir de changement…. Il y a de quoi être angoissé, voire révolté….
« Votre fils est très angoissé, il va falloir envisager la médicamentation pour calmer ses angoisses« …. Ils étaient 12 autour de la table à me donner ce conseil….
Dans sa révolte, il a été lucide, malgré sa déficience mentale…. Il a refusé de se lever le matin pour aller au centre. Et allez essayer de faire lever un grand gaillard dont la force se décuple quand il est en colère. « Si je ne me lève pas, ils me renverront et ils donneront la place à un autre »…. après deux mois de batailles et de réflexion, quand j’ai pris la décision de l’écouter et de le laisser rester à la maison, là où il voulait être, je me suis entendue dire « Vous êtes sûre, parce que là vous avez eu votre chance, s’il part, il n’y aura plus de place pour lui »…. La décision était sans retour. Sans retour et sans regrets, même après dix ans.
Mais c’est un travail de tous les jours…. L’esprit toujours en éveil pour prévenir les montées d’angoisse, contrer la violence, car la vie n’est pas un long fleuve tranquille, loin de là. Tout est mouvement, tout est changement et pour une personne autiste, qui plus est déficiente, ces changements sont perturbants, perturbateurs….mais aussi facteur de progrès et d’évolution. Il s’agit, de doser, de prévenir, de trouver du sens à tout, d’inscrire les événements dans une logique entre le passé, présent et futur…. Après dix ans, je dirai que le plus important a été de donner du sens à sa vie, de l’inscrire et de le laisser s’inscrire dans un système d’échange, certes loin d’être parfait, mais ayant la gloire d’exister….
Et c’est une des grandes failles du système français : quel sens donne-t-on à la vie d’une personne comme Dimitri ou comme Karim ? Et ce sens est-il en adéquation avec le sens qu’ils souhaiteraient donner à leurs vies, malgré la déficience, car je le vois bien avec Karim, sa déficience ne l’empêche pas de penser, de rêver sa vie, même s’il dessine encore des bonhommes comme en maternelle… Même si ses phrases sont simples, pas toujours compréhensibles, il sait ce qu’il veut et ses colères sont les signes qu’il faut décoder et non les symptômes à effacer à coup de médicaments…
Même si je sais que j’avance sur un câble tendu au-dessus d’un précipice et que la moindre bourrasque peut m’y plonger et Karim avec….
« Aujourd’hui, nous sommes face à une obligation éthique, à une responsabilité collective car le lieu de vie des adultes autistes, au XXIe siècle, ne peut pas être l’hôpital », a déclaré Edouard Philippe, Premier ministre, le 6 avril 2018 à l’occasion du lancement de la Stratégie nationale pour l’autisme
On attend que ça bouge enfin, en France…. avec des solutions adaptées… Ça presse !!!!
Merci Rita de trouver, dans ta vie déjà bien occupée et pas toujours facile, le temps de penser – et écrire, sur des autres.
Oui bien dit…
Chacun par son chemin peut apporter une goutte à l’océan…. Les petits ruisseaux font les grandes rivières et il ne faut pas baisser les bras parce qu’on n’a mis que quelques mots dans l’océan de maux…. Ton combat est le même Maryna, et un jour l’armée des ombres aura changé quelque chose… Que ton futur, que votre futur soit meilleur ….
oui je comprends en formation (j’en sort) il en parle mais succinctement moi en tant que monitrice d’atelier nous avons des personnes avec des troubles autistique. Pas facile de faire un bon accompagnement car chaque personnes a son identité alors je me forme enfin façon de dire sur les sites .J’aurais 15 ans de moins je pense que je m’orienterais vers les structures qui s’occupent des personnes autiste car je pense qu’il y a tellement de choses a leur apprendre avec différentes méthodes.
Il y a aussi tellement de choses à apprendre d’eux sur la nature humaine et sur nous…. Trop souvent on ne voit que ce qu’on peut leur apporter, sans s’inscrire dans une relation d’échange. C’est notre tort….
Arrêtons les bons sentiments et inscrivons nous dans une société inclusive ou chacun a sa place, où chacun reçoit, mais aussi chacun donne…. avec ou sans handicap, avec ou sans autisme
changeons notre regard !