Dans Ma 153ème victoire, Paul El Kharrat raconte son périple au jeu télévisé «Les douze coups de midi». 153 émissions au cours desquelles les français regardant la télévision à cette heure là ont pu s’attacher à lui, mais aussi entendre parler de l’autisme. Plus jeune champion de ce jeu télévisé, Paul est devenu un peu le plus médiatisé des autistes… Par Pauline Roeser
Un pari pour l’équipe de Jean-Luc Reichmann
Celui-ci est producteur et présentateur de cette émission qui met au défi les candidats avec des questions de culture générale. Si Paul a sans aucun doute représenté un challenge, il est devenu le chouchou des téléspectateurs et a utilisé sa médiatisation pour et en particulier de son diagnostic : le syndrome asperger.
Les extraits de l’émission que l’on peut toujours voir en ligne montre un jeune homme photogénique, qu’on peut difficilement rater bien que ses TOC (Troubles Obsessionnels Compulsifs) soient visibles. Ils ne le rendent que d’autant plus appréciable. Contrairement aux autres candidats et aux stars invitées, il ne semble pas jouer un personnage : tous ses gestes montrent ses tentatives pour rester concentrer, sa colère lorsqu’il ne trouve pas ou qu’il se trompe, son contentement de pouvoir faire un mot d’esprit – qui n’est pas toujours compris.
«C’est cash» comme dit Jean-Luc Reichmann lorsqu’il interroge Paul afin de compléter une réponse. Et oui, Paul, d’une voix un peu gauche s’empresse toujours de fournir les dates exactes et quelques détails qui pourraient manquer, quitte même, à corriger les questions.
Un parcours non sans difficultés
Dans son autobiographie, «Ma 153e victoire», Paul évoque les difficultés qu’ont pu représenter l’émission ainsi que sa progression avec l’aide de l’équipe ainsi que de sa famille. En effet, premier obstacle : l’arrivée à Paris et les transports. Paul ne supporte pas la foule, le contact des autres. Il lui faudra apprendre, bien que toujours accompagné par sa mère ou par son père, durant les cinq mois que dureront sa présence sur le plateau.
Arrivé sur place, le plus gros enjeu est bien la concentration pour pouvoir suivre le fil du jeu. L’éclairage, le son, les moments de divertissement qui ponctuent l’émission avec des danseuses représentent autant de difficultés. Paul a conscience qu’il n’est pas comme les autres. La première chose qu’il dit pour se présenter lors de son entrée dans le jeu est «Je suis asperger». Il aura l’occasion durant tous les tournages d’en parler.
Son ouvrage, qui semble avoir été écrit d’une traite, retrace son parcours à la télévision. Il est ponctué par le récit de son enfance. Son témoignage, tout comme sa façon d’être dans le jeu, est brut de décoffrage. Pas de métaphores, pas de longueurs. Paul ne se regarde pas écrire : il parle depuis le «dedans». C’est une série d’évènement commentés. Concis, concret, sans fioritures.
Trouver des repères
Tout comme Hugo Horiot qui a trouvé une voie en passant par le théâtre, la mise en scène va aider Paul. Lui permettre même de renforcer la dérision. Dès sa première apparition, il s’observe via les images et essaye de se corriger. Sa posture, sa voix, ses gestes. On peut supposer que le rythme – même s’il est très soutenu – cadré à la seconde près d’une émission de télévision a pu l’aider à trouver des repères.
De même il témoigne d’une équipe qui s’est fédérée pour l’aider : présentateur, directeur de casting, et puis au fur et à mesure, tous ceux en lien avec le plateau. On peut sans difficulté imaginer que Paul a pu représenter un défi. Là où tout doit être à minima prévisible, ses réactions peuvent chambouler le cours du spectacle. Il raconte d’ailleurs une colère qui l’a amené à quitter le plateau, mettant à mal l’équipe. Mais lui aussi apprend progressivement.
Un élève pas comme les autres
Contrairement à ce que l’on peut s’imaginer, Paul n’est pas surdoué ni premier de la classe. Il a une mémoire photographique et se passionne pour les questions de culture générale avec une certaine obsession.
Retraçant son enfance, il raconte ses difficultés relationnelles, d’abord insignifiantes puis de plus en plus handicapantes jusqu’au diagnostic qui est posé à l’adolescence : Asperger. Elevé à l’Ile de la Réunion, en Martinique, puis à Grenoble, c’est un enfant qui préfère passer ses récréations au CDI (Centre de Documentation et d’Information). ainsi que les discussions avec des adultes qui se passionnent eux aussi pour les mêmes questions avec qui il entretient de longues conversations.
Ses tentatives pour s’intégrer agacent ses enseignants : s’il ne les corrige pas devant toute l’assemblée, les mettant en port à faux, il fait le pitre. «Le foufou». Une manière pour lui d’essayer de construire du lien, alors que les conversations autour des sorties, des vacances et des devoirs que partagent ses camarades ne l’intéressent pas. Durant l’émission, il lui faudra être d’autant plus attentif qu’il est entouré.
Gagnant d’une importante somme d’argent, il a de grandes difficultés à distinguer les demandes opportunistes. Paul ne comprend pas que l’on puisse mentir ou tricher et ne lit les échanges qu’au premier degré. Sa notoriété ne l’intéresse que dans la mesure où, enfin, recevant nombre de messages, il est entendu et compris.
Le présentateur, Jean-Luc Reichmann, y verra un intérêt. Les proches de Paul sont régulièrement amenés à témoigner sur le plateau. Et une jeune femme qui a découvert qu’elle-même était autiste Asperger grâce à l’émission interviendra, même après sa défaite.
Pas de miracle pour autant
A sa sortie de l’émission il lui faudra poursuivre des ateliers d’habilité sociale et son indépendance n’est toujours pas de mise. Après plusieurs tentatives et malgré les tensions à la maison, il n’arrive pas à vivre seul. Il poursuit l’université où il est inscrit en licence d’histoire, souhaitant retrouver une vie simple .
L’environnement, ou un livre militant
Tout au long de l’ouvrage on pourra retrouver de longs passages où il développe son point de vue politique sur l’écologie. Là, où, sa personnalité tend à le rend solitaire, il rêve de vivre coupé du monde moderne. Inspiré par de nombreux auteurs, ainsi que la jeune Greta Thunberg – qu’il défend – il se montre sans concession.
l milite pour un retour aux sources, une défense de la nature et de ses espèces. Si son ton n’en fait pas un écrivain de littérature, il est rigoureux et ferme quand à son discours politique. On ne peut que lui souhaiter de poursuivre avec cet engagement. Il le dit d’ailleurs lui-même : les autistes asperger ne s’arrêtent pas lorsqu’ils ont un défi à relever, quitte à s’oublier, il faut en faire une force.
Envie de rajouter
Ma maman est complètement fan de Paul… Elle n’a pas loupé une seule des émissions et dès que je l’avais au téléphone elle me parlait de lui. C’est d’ailleurs elle qui m’a offert le livre… Ce qui m’a intéressé dans le livre de Paul, c’est de voir ses stratégies de survie dans un monde aussi hostile qu’un plateau de télévision. Pour un autiste hypersensible au bruit et à la lumière et sujet à l’épuisement que cela peut entraîner, c’est une gageure….. Certes, son passage dans l’émission tournait autour de son intérêt exclusif : sa soif de connaissances et sa prodigieuse mémoire. Comment parler alors d’intérêt restreint quand celui-ci vous ouvre le monde…
C’est cet intérêt qui l’a en partie aidé à surmonter les obstacles… Il a été aussi aidé par un entourage bienveillant.. Sa famille d’abord, mais aussi le staff de l’émission qui a su s’adapter à sa différence.
Mais la vraie victoire de Paul, c’est d’avoir trouvé une place parmi les autres, avec et malgré sa différence.
« Malgré le handicap, on est capables de tout faire. Peu importe l’obstacle qui se dressera devant vous, si vous avez un mental à toute épreuve, vous pourrez le surmonter » (Paul)