Depuis que je suis Estelle Ast sur les réseaux sociaux, je suis subjuguée par l’énergie que dégage ce petit brin de femme….
Maman d’un enfant autiste, elle a connu, comme nous les salles d’attente, l’incompétence au bout de l’attente, les rendez-vous aux calendes grecques, les couloirs des MDPH, des hôpitaux, l’espoir avec la nouvelle loi de 2005 et les plans autisme, le désespoir devant la non-application de cette loi et des plans autismes qui se succèdent sans vraiment qu’on y trouve du changement sauf dans les discours, le mur d’impuissance, les obstacles qui se dressent les uns après les autres,, la solitude……
C’est en 2014 que sa vie prend un niveau virage. En mars, elle apprend que le contrat de l’AVS (auxiliaire de vie scolaire) de son fils Allan, autiste, prend fin deux mois avant la fin de cours…. (une spécialité de l’éducation nationale ! et pas un fait rare et unique). Il n’y a même pas de notification, pas de courier, c’est l’AVS elle même qui lui annonce que son contrat se termine. La coupe est pleine. Pour crier sa colère, Estelle grimpe sur une grue à 30 m pendant plusieurs heures pour réclamer la prolongation du contrat de l’AVS de son fils. Les médias sont là…. A tous les micros elle raconte l’indifférence, la solitude et la difficulté de vivre avec un enfant autiste…. On peut lire le récit de cette escalade dans l’article d’Handicap.fr
Mais Estelle Ast ne s’arrête pas là. Comme nous toutes, Estelle cherche des solutions pour aider son fils au quotidien. Pour l’aider à effectuer tous les petits gestes qui nous paraissent anodins et allant de soi mais qui deviennent difficile à accomplir dans l’ordre pour un enfant autiste, elle placarde son appartement de post-it….Le système a ses limites et Estelle imagine une application qui pourrait envoyer les consignes via une montre connectée…. En octobre 2015 Estelle lance un appel à financement participatif et peut faire fabriquer un prototype…. Depuis WatchHelp a vu le jour et a reçu de nombreux prix dont le deuxième du concours Lépine.
Mais aujourd’hui, ce n’est pas pour une nouvelle invention qu’Estelle monte au créneau…. Si Alan, son fils, va bien, a une AVS à cette rentrée, le sort des enfants autistes en France ne s’est guère amélioré, et ils sont encore trop nombreux (on dit qu’en France 20 % des enfants autistes sont scolarisés, et certains ne le sont que quelques heures par semaine, contre 80 % en Angleterre) malgré les affirmations de la Ministre de l’Education Nationale. Alors Estelle nous propose de faire chacune une courte vidéo exposant notre problème de scolarisation de notre enfant et de lui envoyer….
La connaissant, elle en fera bon usage. Déjà, apprenant que la Ministre se déplaçait à Toulouse, elle a réussi à obtenir un entretien avec son conseiller. (retranscription en fin d’article)….
En France, il nait 6000 enfants autistes chaque année.
L’autisme n’est pas une maladie.
Ce n’est pas non plus une déficience.
D’après le docteur Laurent Mottron, psychiatre canadien d’origine française spécialiste de l’autisme, seulement 15 % des autistes ont une déficience intellectuelle.
Ils n’ont donc pas à se retrouver dans des IME et encore moins dans des hôpitaux psychiatriques.
Et pourtant, en France, d’après un rapport de l’IGAS, l’Inspection Générale des Affaires Sociales,60% des adultes internés en hôpital psychiatrique sont des personnes autistes, et d’après des statistiques terrifiantes du rapport de mai 2011, 56 % des personnes à l’isolement depuis plus de 30 jours sont autistes… Sans compter la médicamentation abusive sous neuroleptiques lourds, la contention……
Alors toutes et tous avec Estelle pour que nos enfants aient un avenir ! Unis, nous seront plus forts
Que dit la loi du 11 février 2005 ?
La principale innovation de la loi est d’affirmer que tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l’école de son quartier. Il pourra ensuite être accueilli dans un autre établissement, en fonction du projet personnalisé de scolarisation. Les parents sont pleinement associés aux décisions concernant leur enfant. Sont mis en place les équipes de suivi de la scolarisation et les enseignants référents.
10 ans après, malgré les affirmations de la Ministre de l’Education Nationale, les enfants autistes ou porteurs de handicap sont loin d’être tous accueillis dans les écoles et quand ils le sont, c’est bien souvent juste pour quelques heures par semaine !!!!
Résumé d’Estelle sur sa rencontre avec le conseiller de la Ministre de l’Education Nationale
Alors voici une petite synthèse de mon rdv avec le conseiller (ce n’était finalement pas la conseillère…) de Mme Najat V. B :
Lorsque vous ne pratiquez pas la langue de bois (c’est peu de le dire 😉 ) face à quelqu’un qui la maîtrise parfaitement, c’est juste pour moi un vrai régal… Donc autant vous dire que j’ai eu beaucoup de plaisir à mener ce rendez-vous. Toujours très calmement, mais fermement, j’ai tout dit, tout passé en revue (quel bien fou ça fait !!) : la situation des familles, le nombres d’heures d’école ridicules attribuées aux enfants, les chefs d’établissements et/ou les instits qui se permettent de menacer de sortir tel enfant de l’école, les parents qui visitent X établissements avant d’en trouver un qui daigne montrer un minimum de motivation pour accueillir leur enfant, le manque cruel d’AVS bien sûr, les notifications mdph qui au final de servent absolument à rien, les rectorats totalement injoignables, les AVS non formées, les parents qui se retrouvent sans AVS le jour de la rentrée des classes sans jamais avoir été prévenu, les AVS « qu’on retire à Paul pour habiller Jacques »…les parents totalement à bout…, le scandale des contrats CUI-CAE etc… Tout !! Et bien malgré tout ça, je me suis entendu dire : « je trouve que vous vous tirez un tableau bien noir de la situation Mme AST. En tous cas ce ne sont pas les informations que nous avons… »
moi : « ah bon ? je tire un tableau bien noir ?. Si vous aviez un enfant handicapé monsieur, accepteriez-vous qu’une personne n’ayant aucune expérience, aucune formation dans le milieu du handicap, s’occupe de lui ?
lui : « je ne peux pas répondre à cette question, je ne suis pas dans cette situation »
moi : « la réponse est « non » ; c’est juste que la fonction que vous occupez vous « interdit » de répondre à ma question.
moi : « si vous aviez un enfant handicapé, accepteriez-vous de ne pas avoir d’AVS le jour de la rentrée des classes et donc de le priver d’école ? Accepteriez-vous de quitter votre emploi actuel parce que personne n’accepte votre enfant. Ni à l’école, ni nul par ailleurs ? Accepteriez-vous d’avoir pour seule et unique solution l’hôpital psychiatrique ?
lui : …………………. gros blanc, pas de réponse
moi : « pouvez-vous m’expliquer par quel miracle nos voisins anglais réussissent à scolariser 80% des enfants porteurs de handicap contre 20% chez nous ?? » Comment est-ce possible ?
lui : « chez eux les enfants ne sont pas forcément pris en charge à l’école mais dans des structures spécialisées »
moi : « pour les cas les plus lourds oui en effet monsieur… Et chez nous, quand on n’a pas accès à l’école, vous proposez quoi ? Une structure de prise en charge à la place ? Lesquelles ? Donnez-moi les coordonnées des structures de prise en charge éducatives qui aujourd’hui en France sont en mesure d’accueillir tous les enfants descolarisés ».
lui : ……………….. gros blanc, pas de réponse
lui : « il faut quand même prendre en compte que dans certaines régions nous n’arrivons pas à recruter d’AVS.
moi : (rire)
lui : « si si Mme Ast, dans certaines villes nous avons des offres d’emploi non pourvues ! »
moi : « vous voulez dire des offres d’emploi pour des contrats CUI-CAE pour des postes d’AVS payés au lance pierre, qui en fait correspond, sur le terrain, à un poste d’éducateur spécialisé Bac +3. Vous parlez de ces postes dans lesquels ils vont se retrouver face à un enfant handicapé pour lequel ils n’auront absolument aucune expérience ni aucune formation ? Vous parlez de ces postes où on va leur proposer 5h de boulot dans une école + 6 de boulot dans une autre ? Vous parlez de ces établissements dans lesquels ils vont se retrouver où l’enfant dont ils s’occupent n’est pas le bienvenu ? Et vous en fait, si je comprends bien, vous ne comprenez pas pourquoi vous avez du mal à recruter des AVS. C’est ça que vous êtes en train de me dire ? Pire, vous êtes en train de me dire que ça vous sert d’excuse pour laisser des enfants handicapés hors de l’école ? »
lui : « c’est en effet le problème… je vais remonter ces informations au ministère.
moi « ce n’est pas le problème monsieur, c’est la base, c’est en fait le fond du problème ! Vous ne semblez pas comprendre que tant que vous maintiendrez ce type de contrat, tant que le métier d’AVS ne sera pas reconnu à sa juste valeur à tous les niveaux, vous continuerez tous à faire du bricolage. Parce que votre façon de travailler depuis toute ces années n’est ni plus ni moins que du bricolage ».
lui : ……….. gros blanc, pas de réponse
Puis j’ai eu droit au blabla… il y a quand même des efforts de fait… les statistiques montrent que….. et nanani et nanana… la situation est quand même au global satisfaisante….
moi : « satisfaisante ???? J’espère que vous plaisantez. Je vais vous montrer moi à quel point la situation est satisfaisante. Et ce n’est pas des chiffres ou des statistiques que je vais vous montrer…. »
Et là j’ai balancé les vidéos… en ajoutant que ça allait certainement beaucoup intéresser les médias…
Vous donneriez cher pour avoir vu sa tête…….