Rita TATAI4 février 2022Reflexionsadulte autiste, autisme, autistes une place parmi les autres, déficience mentale, Karim TATAI
Avec des « Si » on referait le monde…. Mais à chaque instant de notre vie, on fait des petits choix, consciemment ou non… Parfois on se laisse entraîner par un peu de procrastination et la vie décide pour nous. D’autre fois, on se révolte, on crie un peu plus fort, on se bat un peu plus…. C’est comme un arbre du oui ou non où à chaque intersection se présente un nouveau choix qui nous amène sur un nouveau chemin…
CP Patrick LAMBIN
Et puis un jour, en regardant en arrière, on s’aperçoit qu’on aurait pu, en prenant d’autres petites décisions, en se laissant plus ou moins entraîné par la vie, par la fatigue ou la lâcheté, être sur une autre branche de l’arbre. Avec une vie totalement différente, en mieux ou en moins bien….
Avec des Si
Il y a 12 ans, lors de la dernière réunion de synthèse de Karim dans le centre où il avait une place en groupe occupationnel, je me suis révoltée et j’ai dit non… Non pour lui qui depuis deux mois refusait de se lever le matin pour se rendre au centre… Non à la médication qu’on me proposait pour qu’il soit « moins angoissé » et à mes yeux « plus docile » et « moins rebelle » au futur qu’on lui assignait.
CP Karim TATAI
Si j’avais accepté la médicamentation parce que c’était plus facile
Je l’ai emmené au Carnaval de Venise, parce que c’était un vieux rêve pour moi et que j’en avais marre d’y renoncer chaque année….Cela n’a pas été de tout repos, loin de là… Ses cris résonnent encore dans ma tête quand je pense au voyage aller, parce que rentrer à la maison, c’est toujours facile…
S’il n’y avait pas eu Venise et la rencontre de la photo….
Regard brut sur Venise
Et puis il y a eu la première exposition et toutes les autres…. Trier les milliers et même dizaines de milliers de photos pour trouver celles qui pouvaient faire lien entre Karim et les autres… encadrer, accrocher, faire les invitations, les mails de rappel… Parce que Karim, lui prend juste des photos et me dit de les mettre sur Facebook
S’il n’y avait pas eu ces 12 ans de photos et d’expositions
Remise des bourses Declics Jeunes 2015 et soiree « Des vies pleines d’envie » de la Fondation de France, au Trianon, le 5 octobre 2015, Paris. © Lucien Lung
Et j’ai rempli un jour un dossier pour la bourse Déclics Jeunes de la Fondation de France : Photographier pour exister, exposer pour communiquer. Il y a eu la première sélection régionale, puis la sélection nationale et Karim a été Lauréat. Cela nous a permis de changer les appareils photos que Karim cassait avec ses gros doigts malhabiles, de développer les photos, d’acheter les cadres…
S’il n’y avait pas eu la bourse Déclics Jeunes de la Fondation de France
Si je n’avais pas rencontré mon amie Marie qui m’a soutenue et aidée pendant près de 17 ans
Des rencontres qui changent la vie
Si on n’avait pas rencontré lors d’une exposition Angelita Martins l’éditrice qui m’a encouragée à écrire notre histoire... Là, c’est vrai, c’est le petit coup de pouce du destin… Mais après, il a fallut l’écrire, ce livre et il y a des jours où cela n’a pas été sans douleur
Affiche Karim à notre insu
S’il n’y avait pas eu le livre Moi Karim je suis photographe
On n’aurait pas rencontré Françoise Schöller, linstigatrice et réalisatrice
Karim n’aurait jamais rencontré Arnaud et ses amis de la Garande
Il n’aurait jamais tourné dans le film de Paul
Et le documentaire « Karim à notre insu » n’existerait pas
Finalement avec des « Si », on peut changer le cours de sa vie… Cela a changé Notre vie, la mienne et celle de Karim. Sa vie était tracée. Il avait « la chance » d’avoir une place dans un centre dans un groupe occupationnel pour adulte handicapé déficient mental. Mais il n’en voulait pas et j’ai écouté son cri silencieux et ses cris moins silencieux aussi….
A l’heure d’aujourd’hui, il vit à la maison, a des amis qui lui téléphonent, qui viennent le chercher pour partager des moments conviviaux avec lui. Il part avec eux en virée, en vacances. Certes, tout n’est pas toujours rose, la vie n’est toujours pas un long fleuve tranquille, mais elle est plus sereine, avec de longs moments de respiration. Et j’ai le plaisir de le voir continuer à faire des progrès, même si la liste de tout ce que j’aimerai qu’il apprenne est toujours aussi longue.
couverture-dos-livre-Rita-Karim-TATAÏ
Alors, Si vous n’avez pas encore lu « Moi Karim je suis photographe »
vous pouvez le commander aux Editions un Bout de chemin d’Angelita Martins