Presque, Long métrage, film de fiction, de Bernard Campan et Alexandre Jolien sorti en salle le 26 Janvier 2022.
«C’est une chose d’être amis et une chose de faire un film ensemble.» confie Bernard Campan à «Moteur demandé FFA».
Une virée par l’amitié
Igor et Louis, une rencontre improbable
Et l’amitié est bien présente dans ce long métrage qui se regarde avec plaisir. Péripéties, punchlines, anecdotes et surtout autodérision. De toutes parts.
Il s’agit d’un road trip qui va construire une amitié entre deux hommes que rien ne rejoint, si ce n’est leur solitude. Igor (Alexandre Jolien) est handicapé, il vit chez sa mère et livre des paniers bio en pédalant sur son tricycle. Il rejoint le soir ses livres de philosophie, ses seuls amis. De son côté, Louis est croque mort est a comme cessé de vivre lui aussi. Ne laissant place à aucune fantaisie. Il est droit, rigide. Si droit qu’on pourrait le poser dans l’un de ses cercueils.
Le film Presque a été écrit et joué par deux amis, Alexandre Jolien et Bernard Campan qui se livrent à leur rencontre fictive. Suite à un accident, ils s’embarquent dans une virée inattendue qui les conduit dans le sud de la France en corbillard afin de livrer un corps. Une virée, comme une épopée, rythmée par la philosophie d’Alexandre Jolien, le rapport à la différence et une amitié, un apprivoisement naissants.
Pas facile que de jouer «soi»
Bernard Campan et Alexandre Jollien, amis dans la vie
Si Bernard Campan est acteur (entre autres les Inconnus) et réalisateur, Alexandre Jolien est auteur et philosophe. Et la création du film n’a pas été une mince affaire. Les deux amis se sont lancés le défi de mettre en scène leur relation, mais une relation fictive. Bernard devient Louis le croque mort et Alexandre, Igor, qui dans le film utilise aussi la philosophie comme mantra de vie. «Ses amis (les philosophes) qui sont morts» mais qui lui ont permis de tenir et surtout de s’en tirer. Le film pourtant raconte l’histoire d’un homme qui rêve d’avoir une vie sociale, une vie de son âge, mais qui est sans cesse ramené à son handicap.
Pour Alexandre Jolien, il semblait que pour faire le film suffirait de «balancer ses phrases de philo». Et il balancera d’ailleurs à Bernard Campan «Ta direction d’acteur à la con». Et en effet, se laisser diriger après avoir passé 17 ans passés en centre n’a rien de facile. Surtout par son meilleur ami. Cette expérience avait quelque chose de violent. Au centre, aucune liberté n’est laissée et tout est sous contrôle, et même lorsque l’on demande à Alexandre Jolien «de se laisser aller» il le vit comme une assignation.
Le collectif par le cinéma, comme par la vie
Ce qu’il a le plus apprécié lors de cette aventure c’est sa nature collective. C’est aussi ce que raconte le film. Se retrouver à plusieurs le soir à l’arrière des camions à discuter et boire. Vivre une aventure ensemble. «Le cinéma c’est pas du je c’est du nous». Un jeu pas si évident de soi mais qui traite bien de la solitude et de la nécessité d’être entouré, de vivre des relations réelles.
Le film le raconte, lors d’une soirée inattendue où les deux hommes participent à un enterrement vie de jeune fille. Igor est entouré, il danse, il est «presque» normal. S’en suivra une scène qui met en jeu la question de la sexualité, du rapport au corps, du désir, avec une prostituée. Question souvent tabou, mais qui amènera un véritable échange entre les deux hommes. Au fond handicap ou non, il y a bien du commun dans l’existence.
Alexandre Jolien raconte l’aspect thérapeutique du film. Pour la première fois, il guidait le jeu pour raconter le quotidien du handicap. Il n’était pas question de lui mais d’une description extérieure. De la même façon, à la première du film il a été frappé : pour la première fois il voyait le handicap «de manière extériorisé». Une catharsis ? Oui sans doute, qui permet de voir et d’en rire. Si ce film est thérapeutique pour Alexandre Jolien il l’est sans conteste aussi pour le public qu’il touche.